GALLIA ROMANA

Database of texts and images
Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire, 71)
Subject(s) Thermae
 
Author(s) Banc, Jean
  Physician at Moulins (15..?-16..?)
Resource type Printed book
Date 1605
Inscription
References Banc 1605, ff. 114v°-118v°
Bibliography

Bonnard 1908, pp. 438-439 ; Rebourg 1994-1, pp. 82-84 ; Lemerle 2005, pp. 67, 118-119

Remarks

The Lymbe, the largest of the wells which captured the thermal waters, was notable for its circular shape and the rather luxurious materials with which it was constructed (marble and granite blocks, marble borders). Banc drew on Aubery

Transcription 

« A l’entrée encore dudit vuide des sources de tant de merueilles, à main droicte du costé du Soleil leué, se trouue le grand & large puys qu’on appele le Lymbe, foisonnant en si grand nombre du fumeux boüillons, que c’est chose espouuentable de prim’abort, à ceux qui le veulent considerer attentiuement. […] Examinons maintenant les merueilles de la situation de toute ceste colonie ancienne. Et l’art d’architecture & d’adjencement, qui a esté apporté de l’antiquité pour conseruer si longuement telles sources à leur flux eternel, pour la commodité de l’vsage humain contre les maladies. […] [115] Car soit que les anciens Romains soient les vrais autheurs de l’antique perfection, que les ruïnes encore apparentes marquent auoir esté dans ces superbes bains, & lieux circonuoisins ; ou que les vieux Gaulois, nos braues deuanciers, tous couuerts de Lauriers, & chargés de despouïlles des rauuages qu’ils avoient fait dans ceste superbe Rome, & par toute l’Italie, au long sejour de la guerre qu’ils y auoient mené ; puissants en fortune & en biens à leur retour ; voulussent imiter la gloire & magnanimité de ces peuples, se conformants aucunement à leurs mœurs & façon de viure. De sorte qu’vne colonie des plus braues de ces guerriers choisis, en se retirant de la fatigue de la guerre, feit pour son habitation eslection de tout ce coustau de Bourbon, fertille en tous biens pour la commodité de la vie, posé en bel air ; voisin du courant d’vn grand fleuue aisé au trafic, & au rapport des intelligences des autres peuples, pour laisser la mémoire à ses neueux de la generosité qui les accompaignoit en adjençant le lieu de leur sejour de toute sorte de superbe embellissement d’architecture ; voulussent en ceste suitte vser de la commodité du bien des Eaux chaudes, à la façon Romaine, ou pour leur plaisir particulier, ou pour se releuer [115v°] de la lassitude & imbecilité des articles qu’ils pouuoient auoir contractés par leurs travaux, en sorte qu’ils se fussent voulus resoudre de brauer les Romains mesmes, en aussi hardy employ d’architecture qu’eux […] la suitte des merueilles industrieuses de l’antiquité, de laquelle ie veux renouueler la mémoire à notre postérité, me fait dire que tout le tour de logis que ie croy en son estre plus ancien, n’auoir esté qu’vne grande & puissante ville, monstre euidemment en diuers endroits des ruïnes de ces matieres recherchées de loin, & élaborées de main fort industrieuse, les fondateurs de tant de superbes bastimens auoir esté merueilleusement graues, industrieux & puissants. […] Au dessous dudit Chasteau est le bourg S. Leger, où sont posez nos bains : à costé tirant vers Septentrion, est le Bourg S. Lazare. Et plus bas du costé de la riuiere de Loyre, le Bourg S. Martin, que ie croy auoir esté la partie ancienne[116]ment habitée des plus grands personnages de ceste colonie. Là se trouuent encor’ des vieilles murailles des bastimens superbes ; des briques fort grandes, sur lesquelles on descouure parfois quelques figures à-demy effacées ; force marbres antiques diuers en grandeur & eslaboration : Entre autres vn dessus de colonne fait à la Corintienne, auec force feüillages, quantité d’autres fragmens aussi en table, architraues, frises, cornices & entablements. Et à la descente desdits Bourgs S. Lazare & S. Martin, se remarque encores vn grand chemin, & quelques pierres adiencées à plat, de vieille taille, representant comme les ruïnes de quelque portail ancien. A chasque costé dudit chemin il y a vne muraille ruinée, qui paroist encore plus d’vn grand pied hors de terre ; le peuple croit que c’estoit l’ancien chemin de ce quartier-là, pour conduire aux bains : Mais du costé du Midy, vn peu à quartier de l’édifice du bain & des sources, se voit vn coustau si opulent en descouuerture ordinaire des marques de l’antiquité, qu’à mesure que les rauuages des pluyes le minent, ou qu’on veut foüiller plus auant dans son sein, on ne trouue que marbres figurés, pauements à la Musaïque, medailes de diuers antiques, que ciments d’incognue fabrique, petites pierres de diuerses couleurs qui seruoient à leurs pauemens, plomb fondu, & tant d’autres merueilles de matieres apportées de loing, & figurées à l’antique, qu’il y en auroit assez pour repaistre fort longuement les esprits plus critiques des plus curieux hommes de ce siecle.
[116v°] Entrons maintenant en l’examen sommaire de l’architecture de tout ce chef-d’œuure, restant plus entier en ces Gaules, des bains de toute l’antiquité. I’ay rapporté ce qui estoit des sources en leur naturel ; mais les merueilles de l’art les surpassent de beaucoup en la curiosité de l’adjencement qu’y a apporté l’antiquité. Prenons les robes de leurs murailles cimentées d’art merueilleux, la figure des quatre premieres faites en rond, voutées presqu’en dosme, & la cinquiesme de diuerse manière que les autres, comme i’ay dit ; mais plus esleuée & riche en son emanation, & laquelle ne paroist pas de primeface auoir tant d’ornement externe de l’antique artifice que les autres : Combien que toutes ayent quelque chose de diuers adjencement, soit en leur paué, soit en leur structure, qui ne se pourroit dignement exprimer qu’avec vn discours expres & de profession.
Mais le plus grand artifice qu’on sçauroit representer en l’adjencement de ceste naturelle fabrique, est celuy du grand puys qu’on appele Lymbe : Bon Dieu qui pourroit exprimer la peine & industrie qu’a aporté l’antiquité, seulement à l’embellir & deffendre de l’injure des ans ! On ne le sçauroit comprendre en le voyant, combien moins en lisant les memoires qu’on en peut dresser : Tant y a que pour en laisser quelque notion à ceux desquels la curiosité n’a moyen de se porter sur les lieux. Ie diray que c’est vne source faicte en forme de puys, de circonference de plus de trente pieds. Il est interieurement enuironné [117] d’vne muraille de marbre blanc, & par le dehors d’vn ciment de beaucoup de pieces. Il y a aussi vn bort de marbre blanc, releué d’vn pied de terre, de pareille espaisseur, troüé à vsage de treillis de fer, pour deffendre de peril les moins aduisez : Vn peu plus bas que l’espesseur dudict marbre, il se voit encores vn autre aneau, ou marjelle de pareil marbre, supportée d’autres pieces de marbre toutes droittes, bien fondées sur autres pierres : Et c’est la beauté de cet adjencement de sources, que ie ne peux representer qu’assez obscurément en la briesueté qu’il me faut obseruer en cet escrit. Il faut maintenant parler de la diuersité d’artifice, qu’il y a en l’ordre des canaux sousterrains de diuerses matieres, pour la communication presque mutuëlle, que toutes ont de flux & de descharge, les vnes aux autres : Ie croy qu’il s’en pouroit bien rapporter quelques pieces, encores visiblement entieres en leur vsage : mais que fort difficilement sçauroit-on rendre bon compte de beaucoup de commencements de fragments de canaux, qui se presentent hors l’vsage, en la nombreuse quantité que l’antiquité en auoit ordonné pour l’aisance & perfection de cet admirable bain : Aussi en la charge que j’ay prise de traitter les choses, plus pour le bien & vtilité de la santé, que pour le contentement des curieux, me suffit-il de rapporter ce qui est tellement connexe à ce que ie dois à mon suject, que ie ne m’en puisse desdire sans reprehension.
[117v°] Venons au grand bain, merueille la plus entiere de l’antiquité en nostre France ; & y considerons l’estoffe de son architecture, sa figure, & son adjencement : L’estoffe ou matiere en est pour la plus-part de pierres fonduës artificiellement, de ciment d’incroyable et inimitable facture, & de marbre blanc & noir : La figure en est ronde en forme d’amphiteatre, semblable aux arenes d’Arles, ou de Nysmes, composée de fort grandes & lourdes pierres, enclauées les vnes dans les autres, par assiettes diuerses. Il marque avoir esté autresfois couuert : Et encores se voit vne grosse cornisse de marbre blanc, au dessus de la muraille, qui ne peult auoir esté posée là, que pour tel effect, au rapport des Architectes, qui ont esté sur le lieu. Ce que ie croy encores plus confidemment sur le tesmoignage qu’apporte Vitruue de pareille structure aux bains de l’antiquité. En l’adjencement il y a cent mille especes de remarques, desquelles la suitte meriteroit bien vn volume entier, au discours qui en seroit requis : Mais il suffira de dire en ce lieu, qu’en la perfection que l’antiquité y auoit voüée ; il ne se pourroit dire forme de mignardise d’Architecture, qui n’y aye esté observée ; Les marbres y estoient encroustez par ciments, & gros cloux de cuyure, comme il paroist encores en diuers lieux, du fonds & des degrez pour conduire parmy ledict bain. Les douze enfondremens des niches ou reposoirs, en estoient couuerts : la muraille du bain caue dans son massif [118] vn peu plus hault qu’à fleur dudict bain, faict voir en vn lieu rompu, la bonté du ciment, duquel le canal estoit composé : Ledict canal a encores son vsage pour diuertir les Eaux qui affluent dans le grand bain, quand on veult, & les faire escouler dans vn puis proche de là, qui les rend par le sejour qu’elles y font, toutes froides dans ledict bain, par vn autre canal, pour la temperation qu’on desire plus grande en l’Eau dudict bain, aux temperaments par trop chauds & secs. On m’a dict qu’on a descouuert despuis peu la verité de l’autre bain ancien, faict en forme d’oualle […] : Le temps & la curiosité des grands, nous ayderont peut estre vn iour d’en acheuer la descouuerture, aussi bien que d’vn monde d’autres secrets cachez dans les entrailles de ceste terre-là. Mais le canal de la descharge de ces Eaux en sa grandeur, haulteur & largeur, monstre bien qu’anciennement, il y auoit de bien plus copieuses sources, que celles qui s’esgouttent maintenant par l’à (sic), & qui auoient à seruir à beaucoup plus d’vsages que celuy du bain, qui nous reste de present descouuert : Ledict canal est de pres d’vn quart de lieuë de longueur, voulté & paué fort loing, de belles pierres de taille, inesgal en hauteur & largeur, en certains recoins recourbez, [118v°] qui ont esté faictes à desseing plus hauts & larges, pour le ramas plus aysé de toutes sortes d’Eaux : Et afin d’ayder à la ventilation de ce cours, joincts les souspiraux anciens qui estoient en diuers lieux de distance conuenable, communement la hauteur en est de six pieds, & deux de largeur. La libéralité de Monsieur de Beaulieu, Conseiller & Secretaire d’estat, auoit adjencé vne forme d’estuue au dessus de ce canal, dans le jardin Robert, pour le deffault des anciennes, dont les vestiges paroissent encores en quelques endroicts. »