GALLIA ROMANA

Database of texts and images
Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Reims (Marne, 51)
Subject(s) Porte de Mars
 
Author(s) Bergier, Nicolas
  Lawyer and historian, historiographer of France (1567-1623)
Resource type Printed book
Date 1622
Inscription
References Bergier 1622, pp. 285-289
Bibliography

DLF XVIIe siècle, p. 137 ; Picard 1974, p. 59 sq. ; Lefèvre 1980 ; Lefèvre 1985 ; Lemerle 2005, p. 121 ; Chossenot/Estéban/Neiss 2010, pp. 136-140

Remarks

Flodoard, or Floard, Canon of Reims († 966), was the author of a work on the Church of Reims, Historia remensis ecclesia. It first appeared in 1580 translated into French by Nicolas Chesneau (Histoire de l’Eglise metropolitaine de Reims) and was only published in Latin (the language it was originally written in) in the 17th century

Transcription 

« De ces deux portes, l’une estoit à la partie Septentrionale de la ville, à present entierement ruinee. Mais l’Arc de triomphe fait prés d’icelle, est encores en entier . Et semble que du temps de Floart, Historien de l’Eglise de Rheims, ledit Arc seruist comme de porte à ladite ville. Car voicy comme il en parle :
Probabilius ergo videtur quod à militibus Remi patria profugis vrbs nostra condita, vel Romanorum gens instituta : et editior porta Martis, Romanæ stirpis, veterum opinione, propagatoris ex nomine vocitata, priscum ad hæc quoque nostra cognomen reseruauerit tempora. Cuius etiam fornicem prodeuntibus dexterum, lupæ Remo Romuloque paruis vbera præbentis fabula cernimus innotatum : Medius autem duodecim mensium iuxta Romanorum Institutionem panditur ordinatione descul[286]ptus. Tertius, qui et sinister, cycnorum vel anserum figuratus auspicio. Nautæ siquidem cycnum bonam prognosin prodere ferunt, vt Æmilius.
Cycnus in auspiciis semper lætissimus ales.
Hanc optant nautæ, quia se non mergit in undas.

Nous sommes contraints d’avoir recours à ce texte, qui depeint si naïuement les trois arcades de ceste ancienne porte, d’autant qu’elle fut comblee de terre dés l’an 1544. comme i’ay trouué par certains memoires, & l’est encore iusques à present, au grand regret des curieux. Vray est qu’en l’annee 1595. l’arcade dextre fut à demy descouuerte : où ie vy la figure de la Louve Romaine, & des deux petits enfans Remus & Romulus, dans le plat fond de la voute : & de part & d’autre dans deux quadrangles qui occupent les pendans d’icelle voûte, les figures de Faustulus & d’Acca Laurentia, que l’on dit auoir soustrait ces deux enfans à la Louue, & les auoir nourry iusques à l’aage de dix huict ans. Quant aux douze mois de l’annee, figurez dans la voûte du milieu : & aux Cignes ou Oyes sacrees des deux autres voûtes , ie ne les ay point veu : mais on peut dire que les figures representees en toutes ces trois voûtes, rapportent quelque chose de la race & des actions ou auantures de Iule Cæsar. Car les images de Remus & Romulus nous representent deux personnes, tirees de mesme origine que Iules Cæsar : attendu que ces deux personnages sont naiz par vne longue suite de Rois, du Prince Troyen Aeneas, duquel est issu Procas père de Numitor & d’Amulius : & de Numitor Rhea Siluia, mere de ces deux Gemeaux. Aucuns disent qu’elle conceut ces deux enfans du Dieu Mars, dont cette ancienne porte a le nom. Ce qui estoit communement receu par les Romains, encore que quelques-uns ayent escrit que ces deux enfans estoient procreez d’Amulius mesme, que l’on tenoit pour oncle de leur mere : & qui les feit exposer nouueaux naiz à la mercy des ondes. Or est-il que la race de Iules (laquelle Tullus Hsotilius transporta dedans Rome, ayant ruiné la ville d’Alba) estoit originaire de Iulus, fils dudit Ænee, & fondateur de la ville d’Alba […] [287] Quant aux douze Mois, on sçait assez par le tesmoignage de Suetone, de Dio Cassius, & de plusieurs autres que ce fut ce Prince, grand d’esprit aussi bien que de corps, qui reforma l’annee à l’aide des plus grands Philosophes & Mathematiciens de son temps : & qui reduisit les douze Mois au nombre des iours qu’ils ont maintenant. Pour ce qui est des Cignes qui ne plongent iamais sous les eaux, ils y furent mis en mémoire du danger que Iule Cæsar courut prés du Phare d’Egypte, raconté par les mesmes auteurs, lorsqu’estant contraint de se ietter en mer reuestu de sa robe de pourpre, il s’en défit si dextrement, & nauigea de telle force & adresse iusques à vne barque qui le receut, que mesmes certains papiers qu’il tenoit en l’vne de ses mains, ne furent pas seulement mouïllez de l’eau marine […].
Tout ainsi donc qu’en ce premier Arc de triomphe Septentrional, les Remois grauerent les marques de la race paternelle de Iules Cæsar, qui se vantoit d’estre descendu d’Anchise par Enee, Iulus, & le Dieu Mars ; Aussi ne faillirent-ils pas de figurer dans l’autre arc opposite, les recognoissance de sa race maternelle. Car il se disoit luy-mesme proceder de la Deesse Venus mere dudit Anchise. Cet Arsc second est encore en veuë de toute le monde : non pas en son entier, mais plus qu’à demy ruiné : d’autant que des trois voûtes dont il estoit composé, il ne reste plus que celle du milieu, & quelques vestiges des deux autres sur les deux ailes. Cet Arc second estoit pareillement basty pres d’vne ancienne porte de long temps ruinee, que nos peres appellerent premierement Portam Collatitiam, en Latin (comme S. Remy la nomme en son Testament) & en leur langue Porte Collectice : Fortè a conferendis mercimoniis. Elle fut depuis le Christianisme appellee porta Basilicaris : d’où luy vient le nom de porte Bazeée & Bazeil : comme portent les anciens papiers & registres de la ville : à cause que c’estoit par cette porte que l’on alloit Ad primas Christianorum Basilicas : c’est à dire, aux premieres Eglises des Chrestiens, qui estoient basties hors la ville, à vn demy quart de lieuë ou enuiron : & qui sont à present encloses dans l’enceinte d’icelle : le pourpris des murailles ayant esté agrandi & dilaté iusques là, depuis 4000 ans. En sorte que ledit Arc (quoy qu’il n’y ayt iamais eu ventelle, pont leuis, ny marque aucune de portes de villes) en a neantmoins retenu, & retient encore le nom de porte Basee : separant ce qui est de l’ancienne Cité de Rheims, d’auec les parties qui y ont esté adioustees per Pomerii dilatationem.
Cet arcade restant, peut auoir vingt cinq pieds de hauteur du rez de chaussee : dont la voûte est portee sur les deux grosses piles qui te[288]noient le milieu des quatre qui sont ordinaires aux Arcs de triomphe, ayant quelque huict pieds d’espesseur. Chacune de ces piles estoit accompagnee de part & d’autre de colomnes striees ou canelees, qui n’auoient de saillie que moitié de leur corps : ainsi que l’on voit par les restes de leurs stiles. L’arcade est ornee par le dehors de sa rondeur, de grandes feuilles d’Achante grauees dans les bords exterieurs de ladite arcade. Mais au dessous de la voûte, y a un plat fond quarré, & enuironné de bordures chargees de roses grauees à l’antique : dans le quarré ou plat fond de ladite voûte, se voit un triton dont la partie d’embas finissant en poisson fait plusieurs tours & circonuolutions en forme de roulots, sur l’vn desquels est aussi vne Venus toute nuë, qui tient le Triton embrasse : tout en la mesme sorte que Nonnus Poete Grec, nous l’a depeint au premier liure des Dionysiaques. C’est où il descrit l’enlevement de la belle Europe portee sur le dos d’vn Taureau, à trauers les ondes sans estre mouïllee. En sorte que la voyant on eust dict que c’estoit Thetis, ou Galatee, ou la femme de Neptune : ou bien la Deesse Venus, assize sur le dos d’vn Triton. […]
Sur le bout de la queuë du Triton, releuee en hault et fourchee en deux parties, est pareillement assis Cupidon fils de Venus, auec ses ailes estendues. Ce qui confirme d’autant plus, que c’est l’image de Venus, & non d’autre, qui se trouue assise sur le dos de ce Triton. […] [289] Voilà donc ce qui est graué dans ladite porte Basee : Et ne scay comment André Theuet, escriuant des portes de la ville de Reims, a pris ledit Triton, ou la figure assise dessus son dos pour vn Bacchus : principalement apres s’estre vanté de l’auoir veu.
[…]. Les ornemens qui embellissoient ces deux arcs comme Piedestales, Bazes, Chapiteaux, Architraues, Frizes, Corniches, & Inscriptions, ont esté pour la pluspart ruinez par le temps : ne restant plus que quelques bouts d’Architraue, & de colomnes qui se soyent conseruez, pour estre faicts de la mesme pierre dont les piles sonts basties. »