GALLIA ROMANA

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Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Orange (Vaucluse, 84)
Subject(s) Theatre
 
Author(s) La Pise, Joseph
  Registrar of the parliament of Orange (1580-1646)
Resource type Printed book
Date 1639
Inscription
References La Pise 1639, pp. 15-18
Bibliography

Lemerle 2003, pp. 17-20 ; Lemerle 2005, pp. 94-95 ; Roumégoux 2009, pp. 231-243

Remarks
Transcription 

« LA premiere & plus considerable de toutes ces belles antiquités, dont les Romains ont voulu jadis honorer nostre tres ancienne ville d’Orange, est le Theatre ou Cirque posé dans la nouvelle ville, & au pied de la montagne sur laquelle est assis le Chasteau. Le nom de l’auteur de ce rare edifice, & le temps de sa construction & edification, demeurent cachés & incognus : bien que veritablement il surpasse toutes les autres en antiquité de temps, & en integrité & sumptuosité de bastiment, & qu’il soit reputé, par tous ceux qui le voyent, un des plus beaux, & plus superbes pans de muraille, qui soit en toute l’Europe, le merite duquel se rendra plus recommandable, par la difference qu’il faut faire en passant entre les Theatres, les Cirques, & les Amphitheatres.
f [...] [16] Le corps de ce bastiment est assis au pied de la montagne du Chasteau, composé de trois principales parties ; la grande muraille qui ferme le demy rond du costé du septemtrion en droite ligne ; les deux grands corps de logis, qui sont des costés d’Orient & d’Occident à chasque bout, de forme carrée ; & le demy-rond qui s’unissant contre le pied, de la montagne regardant le midy, se va joindre avec la muraille, & fait une closture en forme de demy-lune. g
h
Ceste grande muraille du levant au couchant, regarde le septemtrion en face, & est bastie, depuis le pied jusqu’à la cime, de grosses & grandes pierres de taille grises, sans qu’on y puisse cognoistre aucun ciment. Sa hauteur est de dixhuict canes d’Orange, qui revienent à cent huict pieds François : sa longeur (sic) est, de cinquante quatre canes, qui revienent à trois cents pieds François.
Le bas de la mesme muraille est composé d’arcs en forme de grandes portes ; entre lesquels celuy du milieu est le plus grand, l’esgalité & la proportion ayant este esgalement observée en tous les autres, avec leurs soubassements, pilastres, chapiteaux, frises, corniches que c’est edifice est du tout superbe & admirable. Ils ont esté fermés, par succession de temps, pour la commodité de ceux, qui s’en sont servis à autres ufages (comme il est aisé de remarquer par la difference du bastiment vieux d’avec le nouveau). i Ces arcs ont esté ainsi ordonnés & disposés pour le passage des hommes & des bestes destinés au combat, & pour la commodité du peuple qui avoit l’entrée & la sortie du Theatre libre, par toutes les advenues ou il se rencontroit.
[17] C’estoit aussi un moyen, de courir plus promptement aux armes, en cas de surprinse de ville, ou de quelque embuche secrete, qui se machinent principalement lors que le peuple se treuve en des assemblées publiques, sans ordre, n’y moyen de resistence.
Contre la face de la muraille, & au haut d’icelle, on y void des grandes pierres avancées à double rang, vis â vis les unes des autres, toutes percées au milieu, en fabrique de Theatre ; pour y ficher les perches, ou bigues, auxquelles on attachoit les tentes, faites ou de fin lin, ou d’escarlate, ou d’autres exquises estofes ; pour garentir le peuple, du hasle du soleil, & le laisser jouir mieux à l’aise, du plaisir des spectacles, & des autres exercises qui s’y faisoyent.
[18] Dans le demy-rond, qui est derriere, & entre la grande muraille & la montagne, y à beaucoup de choses considerables. a On y voit un parquet relevé contre la muraille, regardant le midy, couvert en voulte ; b avec un grand siege de pierre, fait en forme de chaire qui estoit la place des Consuls ou des Preteurs, apres des Empereurs, ou de leurs Lieutenans & Magistrats, qui y adsistoyent, pour voir les exercises ,& en les authorisans de leur presence destourner beaucoup d’inconveniens, qui autrement s’y fussent peu glisser. A dextre & à senestre du parquet, contre la mesme muraille ; s’y voyent des colomnes, avec leurs chapiteaux, & une corniche de marbre noir & blanc richement taillée. Le lieu eminent ou ils sont posés, & la richesse de l’ouvrage sont des marques infaillibles de la dignité de ces places ainsi destinées pour les sieges des personnes plus considerables.
Les deux corps de logis, qu’on voit à chasque bout de la muraille ; estoyent les receptacles, dans lesquels on enfermoit les bestes sauvages, & les hommes c qui estoyent condemnés aux bestes ; d’ou ils estoyent aprés tirés, pour entrer au combat, & par ceste espece de mort cruelle donner du passe temps au peuple : ce qui se faisoit principalement, lors qu’on se preparoit, à quelque expedition de guerre, d pour accoustumer les soldats aux armes, au combat, & au sang.
Le demy rond basti d’une muraille est posé contre la roche de la montagne, taillée en ceste forme la. e Au pied d’iceluy se remarquent des degrés, pour les sieges des spectateurs sur des voultes, ou crotes basses, f s’eslargissans en haut les unes sur les autres. Ces degrés servoyent pour toute sorte de personnes, mais les plus eminens pour les Chevaliers & Patrices. La plus grande partie de ces voultes sont encor en leur entier, servans aujourdhuy à plusieurs usages. g
Les exercises & combats, qui se faisoyent au Cirque, estoyent divers. Ceux qui se faisoyent dans l’entour d’iceluy, estoyent à pied : S’il estoyent (sic) question de combatre à cheval, ou sur des chariots, ou de courre la lice, h ceste grande place, & ample par terre, qui est au devant de la grande muraille, estoit destinée à ces usages ; au milieu de laquelle y avoit un prix pour animer les coureurs à la course.
Et comme pour la commodité des combats & exercises, qui se faisoyent, dans le Cirque, y à encor de chasque bout les corps de logis qui servoyent de receptacle aux bestes farouches, & aux hommes destinés aux bestes; de mesme hors du Cirque & au bout de la grande muraille, du costé du couchant : on y voit une vielle tour ou Portique de pareille estofe que celle du Cirque bastie à la Dorique, qui estoit les Carceres d’ou partoyent les chevaux & les chariots, pour entrer en lice, ou pour descendre au combat. Il y à apparence que la Mete ayt esté de l’autre costé vis-à-vis des Carceres, laquelle est perie par l’injure du temps. Cét là où est maintenant l’Eglise des Cordeliers. »
Notes en marginalia :
p. 16 :
f Nostre Theatre est proprement Theatrum venatorium, quod et Amphitheatrum dictum est ex eo, quod sedes undique in orbem habeat, sine ulla scena. Dio Cassius lib. 43.
Statilius Taurus in campo martio Theatrum quoddam venatorium, Lapideum, et struxit et dedicavit. Dio. Lib. 51.
c’estoit en l’année 625. de la fondation de Rome.
g Erat autem Theatrum in modum Emicicli, cujus ab utroque cornu scenæ erant cum singulis aris quarum una Bacchi, altera ejus Dei erat in cujus honorem ludi fiebant. Suet.
h
On peut dire de ce Theatre ce que le Roy Theodoric disoit de celuy de Rome Montes facilius cedere putarentur, quam soliditas illa quateretur : quando et moles ipsa sic tota de cautibus fuit, ut præter artem additam, et ipsa quoque naturalis esse crederetur ; hæc potuissemus fortè negligere, si nos contigisset talia non videre. Caveas illas saxis pendentibus absidatas, ita juncturis absconditis in formas pulcherrimas convenisse, ut cryptas magis excelsi montis crederes, quàm aliquid fabricatum esse judicares. Cassiod. Variar. Lib. 4. epist. 51.
[i] Aditus complures et spatiosos oportet disponere, ut cum populus dimittitur de spectaculis ne comprimatur, sed habeat ex omnibus locis exitus separatos sine impeditione. Val. Max.

p. 18
a Les Romains appelloyent ceste place. Podium.
b Scena et Podio proximum subsellium principum fuit et magistratuum : secundum et reliqua quibus consistit orchestra Senatorum. Casabaunus in August. Suet.
c
Les Iurisconsultes les appellent Damnati ad bestias, aut in arenam, unde arenarii.
d Vt juventus cædium, sanguinis, et vulnerum aspectu assuescere in bello minus ita timeret. Rosin. Antiq. Lib. 5. cap. 5.
e Subsellium est sedes sive lignea sive lapidea,
kuvklw/ qeavtrou, in orbem extensa. Casaubonus in Aug. Suet.
f Ne quis importune sedendo, alteri molestus foret, sedilia cancellis erant separata. Rosin. Lib. 5. cap. 4.
g Sub circo in cellis antrisve subterraneis habitant quæ corpore facerent questum mulieres. Ex Iuven.
h Stadium locus erat cursoribus destinatus. Suet. In vit. Domit.
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