GALLIA ROMANA

Database of texts and images
Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Orange (Vaucluse, 84)
Subject(s) Roman city walls
 
Author(s) La Pise, Joseph
  Registrar of the parliament of Orange (1580-1646)
Resource type Printed book
Date 1639
Inscription
References La Pise 1639, pp. 6-8, 34-35
Bibliography

Lemerle 2003, pp. 17-20 ; Lemerle 2005, pp. 93-95 ; Roumégoux 2009, pp. 200-201

Remarks
Transcription 

« Le nom de celuy qui à basti les Murs antiqs, de ceste celebre ville, est demeuré enseveli, dans ses frequentes ruines. Les tenebres d’une si sombre antiquité, en ont desrobé la cognoissance, & ne me permetent d’en parler qu’a tastons. Mais tant de siecles passés, despuis sa premiere fondation, n’ont peu entierement effacer tous ces visibles tesmoignages, de la grandeur ancienne de ses Murs, ny les traces & vestiges honnorables qu’elle en à laissé à la posterité.
Son circuit estoit d’environ un’ heure & demy de chemin, & embrassoit toute la montagne du Chasteau, jusques à la Draperie, qui s’estend prés d’une mousquetade, par de là, la vignasse du costé du midy ; comprenant la fontaine de lavacrum qui est sous l’angle regardant, le couchant. Avant la derniere fortification du Chasteau, qui fut faite en lannée 1622. & 23. en ce mesme endroit de la Draperie, paroissoit un grand & large fossé tiré en droicte ligne du levant au couchant, avec les vielles Murailles à demy entieres, & leurs tours rondes à la Grecque de cinquante en cinquante pas, en aucuns endroits elles estoyent de plus de quinze pieds de haut, & presque en deffence ; plusieurs qui les ont veues comme moy, me cautionneront de ceste verité ; és mesmes années 1622. & 23. elles furent applanies & les fossés comblés du terrain des pieces & des fonds qui l’aboutissoyent, lequel en fut osté jusques à la roche, pour empecher que l’ennemy ne s’y peut couvrir en cas de siege.
De là ces Murailles descendoyent du costé d’Orient, le long du pendant de la montagne, ou se voyent encor par tout leurs Masures & leurs vieux fossés ; & passans assés proche de la Chapelle S. Lazare le vieux, laissoint une porte à l’endroit du destour du grand chemin, tirant de la porte de pourtoules à Courtheson : la elles se voyent d’environ douze pieds d’hauteur avec la forme de leurs tours plus ruinées que la muraille ; puis continuans en long du mydi au septemtrion (sic), cernent une terre assés grande du costé du levant, & passent le long de la Meyne appellée en cet endroit le Pertuis ; vont jusques au pont qui porte le nom de la Tourraque, & se perdent dans le fossé du bastion, qui fait l’angle la proche (sic) appellé de la Tourraque ; au fonds duquel pa[7]roissent encor les fondements, quand les eaux sont basses ou claires. De la elles continuent sous le bastion jusques à la vieille porte Marinenque, le long des Murs modernes, dans le fossé de la Meyne ou les vestiges se font voir en maints endroits ; puis sortans des fossés de la nouvelle ville, passent devant la porte du Pont-neuf, & traversans le grand chemin qui va de la ville aux Capucins continuent dans les préeries qui sont à main gauche du chemin, & vont circuir le jardin du Prevost, d’ou elles se rendent proche de l’Arc triomphal qu’elles embrassent. A costé d’iceluy & tirant au couchant traversent le grand chemin de Lyon, dans lequel paroit encor la forme d’une porte de ville avec ses pieds droits, laquelle j’ay veue autrefois couverte de sa voulte, & ornée de plusieurs creneaux de façon & estoffe ancienne. De la ceste Muraille decline un peu à gauche, tirant au couchant & embrassant l’Eglise S. Pierre, tourne au midy, puis s’en va le long du ruisseau du Merderic, au quartier de fontaines appellees des Gaux en langage du pays. La y avoit une autre porte : les pieds droits en ont esté emportés depuis peu de temps. Elles continuent jusques à la fontaine de la Rays, paroissans d’environ dix ou douze pieds d’hauteur, avec leurs tours. De la ces Murs se perdans dans la riviere de la Meyne, s’approchent un peu de la nouvelle ville ; puis ayant passé dans les prés qui avoisinent le Pont de la Boucquerie (la ou je les ay veus autrefois de plus de huict pieds d’hauteur, & d’où ils ont esté arrachés depuis peu d’années, pour la commodité des proprietaires des fonds, dans lesquels ils estoint situés ;) paroissent le long du chemin de ladite boucquerie à la Porte S. Martin, puis se vont rendre dans le grand chemin, qui va de la ville aux Arenes, ou estoit une porte de la ville Vielle, laquelle j’ay veue asses entiere, ayant sa voussure & ses pieds droits faits de tres grosses pierres qui surent proffitées és années 1622. & 23. pour la construction des bastions de la nouvelle ville. Ayans traversé ce chemin, elles continuent leur cerne le long de la terre de Montclux, paroissans assés hautes avec leurs tours rondes & leurs larges fossés, jusqu’aux bains antiqs (sic) ; à costé desquels & dans le grand chemin d’Orange en Avignon, y avoit une porte, laquelle j’ay aussi veue, de semblable forme que l’autre, bastie de pareille estoffe, les masures de laquelle paroissent encor. De la ces vieux Murs montoyent, par le pendant de la montagne du chasteau, du quartier du couchant, droit à la Draperie, à laquelle elles s’alloyent joindre justement sur le coin, qui est proche de la fontaine de lavacrum, d’ou nous avons commencé ce circuit. Ceste fontaine se trouvoit au dedans des vieux Murs, & à laissé par tradition au commun peuple une creance abusive de quelque proprieté imaginee, d’ayder aux femmes à concevoir, si elles s’en baignent & en boivent en la saison & au temps qu’il faut : acause dequoy le menu peuple au lieu de lavacrum, l’appelle ordinairement par abusion de mot d’un nom obscene qui s’y rencontre en mangeant la lettre R.
L’Estoffe de ce vieux Mur est composé de mesme pierre, avec mortier plus dur que roche, embellie dedans & dehors de pierre de face de demy pied en carrè, celle des tours est de semblable construction.
Tout autour dans ce circuit, sur la montagne & aux pendants d’icelle, d’un coste & d’autre, s’y voyent encor par tout les fondements des maisons autrefois habitées. Nous avons remarqué cinq portes en ces murailles, desquelles j’en ay veu quatre asses entieres, qui ont esté ruinees de nostre temps. […] [8] Mais la mémoire de nos peres nous à laissé par une louche tradition, que ces superbes Murs furent abatus par la furie des Gots, nation descendue du septemtrion (sic), en nombre innombrable, laquelle vint fondre comme un grand & espais nuage en ces contrées, d’ou elle s’espandit apres par toute l’Italie qu’elle occupa durant longtemps. […]
[34] Les [bains] publics estoyent dans ceste grosse Tour ronde icy representée, à peu prés en la forme que chacun la veüe depuis peu d’années, hors des creneaux de la cime ; & en laquelle elle a demeuré, jusques en l’année mil six cents vingt un, qu’on en abatit la plus grande partie, pour prendre la pierre; & depuis journelement on a continué d’y foviller jusques au fondement, non sans reproche à la mémoire de ceux qui l’ont fait, & de ceux qui l’ont souffert.
Ceste Tour estoit posée hors la nouvelle ville du costé du couchant, distant environ deux cents cinquante pas d’icelle, au pied de la montagne du Chasteau, joignant les murailles de la ville ancienne, & ayant à son costé du midy la vielle porte de la ville, dont la voussure faite de grosse pierre a esté abatue, & emportée depuis peu de temps. Elle estoit soutenue sur des grands arcs ouverts du septemtrion au midy y en ayant deux de chasque costé, bastis de grosse pierre de taille, & plus bas à droite & à gauche, on y voyoit des longues crotes voutées de menue pierre avec les lieux on (sic) estoyent les Bains. Les vestiges des vieux bastimens qui l’avoisinent paroissans encor en plusieurs endroits, le long de la montagne tirant vers la ville, tesmoignent probablement que par la le grand Aqueduc alloit desgorger une partie de ses eaux dans ces Bains, où y avoit des reser[35]voirs destinés pour les contenir, & au dessous des canaux sousterrains, pour donner vuidange à celles qui estoyent sales & inutiles.
Sous la premiere & seconde race de nos Princes, ceste Tour la avoit esté convertie en une maison leur appartenant, comme il se justifie par des partages faits entre eux, lors qu’ils possedoyent leur Principauté en pariage : mais le seziesme de juin mil deux cents & dix tout ce qui avoit esté basti dessus de nouvelle construction tomba de soy mesme, & elle fut laissée à peu pres en la forme qu’elle est icy representée. »