GALLIA ROMANA

Database of texts and images
Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Orange (Vaucluse, 84)
Subject(s) Aqueducts?
 
Author(s) La Pise, Joseph
  Registrar of the parliament of Orange (1580-1646)
Resource type Printed book
Date 1639
Inscription
References La Pise 1639, pp. 31-33
Bibliography

Lemerle 2003, pp. 17-20 ; Lemerle 2005, pp. 94-95; Roumégoux 2009, pp. 191-193, 212-213

Remarks

La Pise's identification of these monumental constructions as the remains of two aqueducts is not adhered to by modern archaeologists

Transcription 

« Orange l’une des plus florissantes villes de la Gaule Narbonnoise, honnorée de la demeure de la seconde Legion Romaine, constant selon la commune opinion de six cents chevaux & de six mil hommes de pied, tres chere & importante au peuple Romain, tant pour sa grandeur, que pour sa situation, tres propre à tenir en devoir le pays circonvoisin ; lors riche, somptueuse & habitée d’un grand peuple, pour ne rien obmettre de tout ce qui pouvoit rendre une cité magnifique, & recommandable, fut aussi honnorée de ce grand Aqueduc, admirable en sa hauteur, & encor plus en sa longueur, le considerant depuis le lieu ou il commence, jusques au lieu ou il finit.
Le temps de son edification ne peut estre precisement defini. Aucuns rapportent que l’usage des Aqueducs commença dans Rome, soubs le regne d’Ancus Martius, autres disent que les premiers furent construits, quatre cents quarante un an apres la fondation de la ville.
Il y a apparence, que ce peuple guerrier, ayant assujeti sous sa domination les Gaules Transalpines, & cognoissant l’importance de ceste ville cy, pour detant mieux conserver les affections des hommes de nouvelle conqueste, d’ailleurs assés adonnés à vie delicieuse, selon la douceur de leur climat, & la delicatesse des fruicts provenans de leur terre ; ne tarda pas à y faire construire & edifier ces beaux Aqueducs.
L’estofe du bastiment est presque semblable ; mais la forme de la construction est bien differente ; selon les endroicts ou on le voit. Il le faut prendre de sa source.
Dans le terroir de Malaussene, petite ville du Comté d’Avignon, distante de quatre lieües d’Orange, que font six heures de chemin, & au pied d’une montagne proche d’icelle ; sort une fontaine appellée de Grousel de tres belle source ; si abondante qu’elle fait moudre plusieurs moulins, si agreable & delicieuse, que le Pape Clement cinquiesme (pendant le scisme de l’Eglise, qui contraignit les Papes d’establir un siege en Avignon durant septante ans : Innocent troisiesme l’ayant eue paravant, avec le Comté Venaiscin de la confiscation de Raymond Comte de Tholofe accusé d’heresie) alleché par la beauté de lieu, y fit bastir un palais, là où il demeura le reste de ses jours. La beauté & la grandeur de ceste source la, avoyent convié longtemps devant nos Romains de la conduire en la ville d’Orange. Pour cét effect, ils firent, construire un Aque-duc, lequel commenceant à la source de la fontaine jusques dans leur ville, & faisant plusieurs tours et contours à cause du rencontre des montagnes, continuoit par six lieues de ce pays, que font neuf heures de chemin, pour se rendre dans la ville. Les vielles masures de cet Aque-duc se treuvent, en divers endroits, & de lieu en lieu, depuis Malaussene jusques à Orange. Et pour plus grande preuve, en nos jours mesme dans le terroir de Malaussene, & ailleurs parmy les murailles d’iceluy, on à [32] treuvé des tuyeaux de plomb, de brique, & de ciment, par où vray-semblablement ceste eau la couloit.
Cét Aqueduc passoit soubs le lit de la riviere d’Ouvese ; ou bien sur un pont, qui y pouvoit avoir esté basti ; & de là entré dans le terroir de Camaret, ou les traces d’iceluy se voyent en maints endroits, à plus d’une heure de chemin d’Orange, s’approche ; & parvenu au terroir de la ville, s’y fait voir en plusieurs parts le long d’un beau vignoble ; d’où les proprietaires des fonds, sont encor journelement occupés, à en arracher les fondemens, pour le meliorement de leurs terres. De là il continue avec quelque interruption, jusques au grand chemin tirant au convent des Capucins : Puis s’arrestant à un angle, qui avoisine la tour appellée de Gabet, au quartier de la Canalete, se continue de droit fil, par une muraille bastie en droite ligne, de quinze cents pas de longueur, douze pieds d’hauteur, & cinq d’espesseur, tirant du levant au couchant, jusques au costé de l’Arc Triomphal, qui est la face Orientale. Là il se perd jusques dedans la nouvelle ville, pres la rue de l’hospital, laquelle à esté traversée par un pan, de cét Aque-duc, jusques à l’année mil six cents vingt neuf, qu’il fut abatu pour l’embellissement de la ville ; estant paravant appuyé en cét endroit là sur une colomne de vielle structure, soustenant un arc fait de tres grosses pierres, qui le portoit. De là il tire droit vers la montagne du Chasteau, paroissant en plusieurs endroits en la forme qu’il est representé sur la planche : notamment en la maison du College du Prince ; puis en la Face Orientale du nouveau Temple des Reformés, ou il à esté effacé en partie en l’année mil six cents trente quatre, pour estre adapté à l’usage d’iceluy. De là il se fait voir d’une semblable suite, le long des maisons joignantes, tirant du Septemtrion au Midy : & finalement proche de la montagne du Chasteau il paroit embrassant la montagne à demy, depuis la premiere porte d’embas, jusques derriere le Cirque ; & de la passe outre jusques à l’autre bout d’iceluy, s’allant unir avec la muraille qui forme le demy-frond. D’autre part on void des vestiges hors la ville au quartier de Tourres, le long de la montagne, qui est le couchant du Chasteau, de mesme etofe : ce qui est une marque probable, que l’Acque-duc embrassoit aussi ceste partie la, depuis la porte basse du Chasteau, jusques à la Tour Ronde, par les raisons qui seront desduites cy apres.
Or sur l’autre longue muraille de quinze cents pas, qui est hors la ville ; on voit encor les marques du canal par où couloit l’eau de la fontaine, artistement fait, avec ciment composé de tuiles pilés meslés avec du gravois de riviere, d’un demy pied despesseur, deux pieds de largeur, avec la bordure de mesme etofe. Et en cét endroit le canal estoit descouvert à la forme des anciens Aque-ducs de Rome. Tout le corps de muraille de l’Aque-duc, est basti de pierre & de mortier plus dur que roche vive ; & la surface d’icelle d’un costé & d’autre depuis le bas jusques au haut, proprement revestue de petite pierre de taille d’un demy pied en chasque carre.
La forme des Aqueducs qui sont dans la ville, est bien differente de celle de dehors, & en l’etofe du bastiment & en la plus part de la pierre, & en la hauteur. La hauteur de celuy de dehors, est juste & raisonnable, venant de si loin. Le grand du dedans de la ville est de huict canes de haut. Ils ne pouvoyent estre ne plus ne moins hauts sans grande incommodité ; en dehors s’accommodant à la closture des champs, qu’il joignoit ; & en dedans à la juste proportion de la hauteur des maisons, qu’il avoisinoit.
La planche represente celuy de la ville comme il est maintenant. Et les arcs qui sont en haut & en bas distingués par leurs pilastres, chapiteaux, corniches, frises, architraves, & unis par ensemble d’une mesme liaison & etofe sans ouverture, tesmoignent que cela à esté ainsi fait, pour l’enrichissement de l’ouvrage. Les chapiteaux, corniches & la ligne du milieu construicts de quartiers de pierre d’une grosseur immense, de mesme coleur & durté que [33] celle du Cirque, font voir qu’elle à esté tirée d’une mesme carriere. Le reste du bastiment est fait de petite pierre en la surface, comme celles de l’Aque-duc du dehors.
A la cime & au plus haut de la muraille, se voit la Forme ou le Canal qui conduisoit l’eau, creusé dans des grosses & grandes pierres, semblables aux autres : en aucuns endroits la pierre mesme servoit de Canal, & en d’autres on y avoit formé des Canaux de plomb en dedans ce qui à este bien averé en la construction du nouveau temple, par l’abbatis d’une partie de cest Aqueduc. Or les anciens composoyent les Formes & les Canaux de leurs Aqueducs, ou avec du ciment & gravois, comme celuy de l’Aqueduc du dehors, ou dans la pierre, ou avec du plomb comme celuy cy, ou dans du bois creusé, ou bien avec brique & terre cuite.
Ce grand Aque-duc alloit ainsi traversant ceste grande & celebre cité, pour rendre & desgorger son eau, en certain lieu & reservoir public derrier le Cire (sic) ; laquelle estoit après distribuée en divers endroits, par l’ordre de celuy qui en avoit la charge & l’autorité ; ou dans les bains publics, ou dans les bains des maisons privées, ou pour servir aux autres usages qui estoyent ordonnés. Mais il n’est pas croyable, que nos habitans d’alors achetassent l’usage de ces eaux à prix d’argent, ou qu’ils payassent certain tribut au public pour s’en servir, comme il se pratiquoit lors dans Rome & ailleurs : car tout autour de la ville mesme dans le pourpris des vielles murailles, on voit de tres balles (sic) sources & fontaines. C’estoit donc plutost un tesmoignage de leur magnificence, pour avoir de l’eau de fontaine batue venant de loing plus propre & salutaire à s’y baigner que pour quelque autre necessité publique & particuliere.
Mais c’est chose remarquable que ce grand Aqueduc n’estoit pas seul dans la ville: car à costé d’iceluy y en avoit de plus petits, faits & construicts de grands quartiers de pierre, semblables à celles de l’autre, avec des corniches tout du long, sur lequel derivoit quelque tuyeau de ces eaux pour le service des particuliers, mais plus vraysemblablement pour les bains, desquels y en à encor plusieurs en diverses maisons de la ville. L’auteur donne cecy pour chose veritable, puis qu’il à un de ces petits Aqueducs dans sa propre maison, de semblable etofe & construction, montant depuis le pied & fonds d’une cave jusques au second estage d’icelle, & tirant en longueur quarante huict pieds François. Depuis peu de temps il en à fait rompre la corniche à grand peine, en ayant fait tirer des quartiers de pierre d’une grosseur immense. Il n’est esloigné que de seze pas du grand Aqueduc. »