LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Bosse, Abraham
Titre Traité des manieres de dessiner les ordres...
Adresse Paris, A. Bosse, 1664
Localisation Paris, Ensba, 188 A 7
Mots matière Ordres

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     Le Traité des manieres de dessiner les ordres est le premier volet du diptyque sur les ordres publié par Abraham Bosse en 1664-65. À ce diptyque Bosse a intégré, comme il l’avait prévu à l’origine, ses Représentations géométrales, retirées avec la page de titre de 1659. L’ouvrage sur les ordres a été divisé artificiellement, de l’aveu de l’auteur, en deux recueils distincts pour « la commodité de beaucoup d’ouvriers » (pl. I).
Le Traité des manières de dessiner les ordres, s’ouvre sur une page de titre datée de 1664 mais la dédicace à Colbert qui la suit porte la date de 1665. Il est constitué d’un texte liminaire gravé de deux pages, intitulé « Ordre et Methode des figures representées dedans ce volume », et de quarante planches en taille douce avec des illustrations pleine page. Bosse veut proposer aux praticiens « les plus belles proportions » à partir de la lecture des meilleurs auteurs qui ont écrit sur le sujet. Il y ajoute quelques pratiques des Anciens qui n’ont jamais été jusque là mises en usage et des pratiques nouvelles (Dédicace). Le recueil est conçu en quatre parties : la première traite des entablements et des « menus » membres (piédestal, base, chapiteau et détail des entablements), la seconde des ornements (socles, appuis et balustres des escaliers). La troisième est consacrée à la représentation de l’architecture, projet et modello, selon les règles de la perspective. La dernière partie, technique, concerne la place des ombres sur les corps ou objets géométraux.
Dans la première partie – la plus volumineuse (trente planches) – les ordres sont présentés de façon globale, avec l’arc inscrit dans l’ordre, comme chez Vignole et ses successeurs, avec un couronnement différent chaque fois (attique, balustrade, fronton segmentaire, fronton triangulaire, balcon en fer forgé), puis de profil et enfin de façon détaillée (base, chapiteau et entablement). Bosse cite à ce propos les meilleurs auteurs, Palladio, Vignole et Scamozzi dont il livre une synthèse personnelle ; il nomme aussi son contemporain, Fréart de Chambray dont il connaît manifestement le Parallèle. Il s’intéresse au rétrécissement du pilastre et de la colonne. L’évocation à ce propos du Panthéon de Rome laisse à penser qu’il a lu Philandrier, lequel dans ses Annotationes sur Vitruve a étudié précisément la question. Le mathématicien expose aussi dans le détail les différentes méthodes pour tracer une belle volute. Il propose un instrument de dessin, le compas cartésien, qui permet de réaliser la courbure des colonnes selon la conchoïde de Nicomède et renvoie aux travaux de François Blondel.
Bosse est conscient d’innover en traitant de questions jamais ou rarement abordées avec autant de détails par ses prédécesseurs : les escaliers et les voûtes. Il se montre ainsi en phase avec son époque où grâce aux prouesses stéréotomiques se multiplient, à Paris notamment, de vertigineux escaliers suspendus. Mais il critique les erreurs d’escaliers aussi prestigieux que ceux du Luxembourg, du Palais Cardinal et d’autres grandes demeures parisiennes dont les mains courantes ne s’ajustent pas correctement aux retours. Or ce défaut est facile à corriger si l’on suit Desargues qui fut le premier à proposer un tracé qui élimine les ruptures de pente disgracieuses aux retours et ajuste parfaitement les balustres des différentes volées.
Comme Fréart de Chambray, il pense que l’imitation de l’Antiquité doit être mesurée et réfléchie, car toutes les réalisations des Anciens ne sont pas bonnes à imiter. En outre on ne peut transposer de grands morceaux d’architecture sans tenir compte de nombreux paramètres. Bosse a une réelle culture architecturale : il a lu le traité de Vitruve (pl. XI) et les théoriciens de la Renaissance. C’est à la Regola de Vignole qu’il emprunte l’idée de définir les cinq ordres par un rapport constant (Lemerle 2011, p. 419). Comme chez l’Italien le composé (composite) et le corinthien ont les mêmes proportions. Mais une fois la hauteur de la colonne déterminée, le Français la divise en 14 parties pour le toscan, 16 pour de dorique, 18 pour l’ionique et 20 pour le composé et le corinthien, chacune de ces parties, subdivisée elle-même en 30, servant de module ou de pied fondamental. De Scamozzi, Bosse retient l’idée d’intégrer dans une superposition l’ordre « composé » entre l’ionique et le corinthien, en raison même de sa nature (pl. II).
Si l’ornementation des ordres varie d’un recueil à l’autre et même à l’intérieur d’un même recueil, c’est qu’une fois les principes établis, la convenance et le goût doivent guider l’architecte. Fréart de Chambray est du même avis. Bosse ne prétend pas imposer une vision moderne et définitive des ordres, comme Perrault, mais il n’en est pas moins ambitieux. Son traité d’architecture en trois volets est le fruit d’une longue réflexion. De la maquette à la réalisation et à l’ornementation, il appréhende l’architecture dans sa globalité. L’ouvrage est à ce titre une somme qui intègre toutes les avancées théoriques et techniques, et notamment la science de la perspective. Attractif dans sa présentation par ses gravures en taille-douce, art dans lequel il est passé maître, il se situe dans la lignée de la Regola de Vignole où l’image prime sur le texte. Destiné aux praticiens ennuyés par les longs discours le livre d’architecture de Bosse est didactique. Le pédagogue va à l’essentiel, construisant son discours du simple au plus complexe en fournissant d’emblée au lecteur les données essentielles, les illustrations se suffisant à elles-mêmes.
Le livre d’architecture de Bosse en trois volets dont le Traité des manières de dessiner les ordres constitue la plus importante partie est une étape importante, quoique méconnue, pour la théorie architecturale au milieu du XVIIe siècle. Contemporain de Fréart de Chambray dont il partage les convictions et sur l’œuvre duquel il s’appuie, l’auteur anticipe les publications des frères ennemis François Blondel, avec lequel il fut en relation, et le puissant Claude Perrault. Au terme de sa carrière Bosse a atteint son but : il est parvenu à élever l’art de la gravure au niveau de la peinture, mais par le biais de la perspective il s’est initié à l’architecture représentée comme la « Reine des Arts » dans le frontispice de son recueil sur les ordres de colonnes. La fortune éditoriale de l’ouvrage atteste sa réussite. Il connut encore deux autres tirages posthumes, en 1684, 1688 puis un dernier au début du XVIIIe siècle.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2014

Bibliographie critique

A. Blum, L’œuvre gravé d’Abraham Bosse, Paris, Morancé, 1924.

G. Duplessis, « Catalogue de l’œuvre de Abraham Bosse », Revue universelle des arts, Paris, 1859.

S. Join-Lambert & M. Préaud (éd.), Abraham Bosse savant graveur, Tours, vers 1604-1676, Paris, Bibliothèque nationale de France/Musée des Beaux-Arts de Tours, Paris/Tours, 2004, p. 271.

F. Lemerle, « Les livres d’architecture du graveur Abraham Bosse », J.-P. Garric, É. d’Orgeix & E. Thibault (éd.), Le livre et l’architecte, Wavre, Mardaga, 2011, p. 172-179.

F. Lemerle, « Ordres et proportions dans la tradition vitruvienne (XVe-XVIIe siècles) », S. Rommevaux, P. Vendrix & V. Zara (éd.), Proportions. Science–Musique–Peinture & Architecture, Turnhout, Brepols, 2012, p. 409-423.

R.-A. Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, tome 1, Paris, Bibliothèque nationale, 1939, 1, p. 471-534 ; n° 785-831 et 832-865.

 

 


 

Notice

Traité des manières de dessiner les ordres de l’architecture antique en toutes leurs parties, avec plusieurs belles particularitez qui n’ont point paru jusques à présent, touchant les bastiments de marque, comme la naturelle entresuitte des gros et menus membres de leurs degrez ou escaliers, puis le moyen d’arrester par dessein et modelle en petit les parties d’un édifice, en sorte qu’estant exécuté en grand il fasse l’effet que l’on s’est proposé, et enfin la pratique de trouver la place géométrale des jours, ombres et ombrages sur les corps géométraux / par A. Bosse.
Paris : chez l’auteur, 1664-1671.
Frontispice, page de titre, dédicace à Colbert (1 pl.), 44 planches gravées en taille-douce ; titre-frontispice, 20 planches gravées numérotées A-V : in-fol.
Berlin Kat. 2378 ; RIBA 341.
Publié avec Des ordres de colonnes en l’architecture, et plusieurs autres dependances d’icelle, relié derrière. Cette suite de 20 planches de texte et figures entièrement gravées, numérotées A-V a d’abord été publiée dans une version A-R en 1664, puis complétée en 1671 par les planches S-V (date de privilège de 1671 en bas de la planche S) et avec les Representations geometrales de plusieurs parties de bastiments..., 1659.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 0188 A 0007 (in-4°).
*Notes :
- Demie-reliure du XIXe siècle, 41 x 25,5 cm.
- Cachet de l’École impériale des Beaux-Arts. Le titre n’apparaît pas dans les inventaires anciens des collections de l’Académie, et les Procès-verbaux de l’Académie ne mentionnent pas son entrée.
- Donation faite part la veuve de l’architecte Charles Destouches (1817-1858) à l’Ecole (n° 70), 1858