LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Vinci, Léonard de
Fréart de Chambray, Roland
Titre Traitté de la peinture de Léonard de Vinci...
Adresse Paris, J. Langlois, 1651
Localisation Lille, BUC Université de Lille-3, Réserve moderne A-28
Mots matière Peinture
Transcription du texte

English

      Le Traitté de la peinture qui paraît à Paris en 1651, est la première édition imprimée en langue française des écrits de Léonard de Vinci. C’est à cette publication que Roland Fréart de Chambray doit sa réputation dans le domaine de la littérature et de la théorie artistique.
En 1485-1487, à Milan, alors qu’il séjourne à la cour de Ludovic Sforza, Léonard entreprend la rédaction d’un Libro di pittura, dont le manuscrit A de l’Institut de France à Paris conserve de nombreux fragments. Toute sa vie durant, l’artiste poursuit ce travail, consignant dans plusieurs Carnets des observations sur la peinture, l’optique, la perspective, l’anatomie, la physionomie etc. mais, à sa mort, en 1519, ces notes sont toujours à l’état de réflexions éparses. Son élève Francesco Melzi met alors en ordre les réflexions du maître et constitue, à partir des dix-huit manuscrits dont il a hérité, une compilation, qui sera plus tard connue sous le nom de Trattato della pittura. Conservé à la Bibliothèque Vaticane (Codex Urbinas lat. 1270), ce manuscrit comprend 944 chapitres, organisés en huit sections. Le recueil de Melzi circulera longtemps sous la forme de copies partielles ; la cinquantaine de dérivations connues attestent que, même manuscrites, les idées de Léonard ont été largement diffusées, non seulement en Italie mais aussi au nord des Alpes. L’une de ces copies, réalisée pour le comte milanais Galeazzo Arconati et qui ne comprend que la deuxième, la troisième et des sections de la quatrième partie de la compilation de Melzi, c’est-à-dire les chapitres dédiés aux qualités du peintre, au mouvement du corps humain et à la représentation des drapés, parvient dans les mains de Cassiano dal Pozzo. Avec l’intention d’imprimer une édition illustrée, le collectionneur romain demande à Nicolas Poussin de traduire, dans une forme plus moderne et plus élaborée, les croquis schématiques que Melzi avait dessinés dans le Codex Urbinas lat. 1270 d’après des esquisses de Léonard, et il charge Pier Francesco degli Alberti d’exécuter les diagrammes géométriques qui explicitent les chapitres relatifs à l’optique et les paysages qui illustrent ceux dédiés à la perspective aérienne. En 1640, n’étant toujours pas parvenu à imprimer son précieux manuscrit, Cassiano dal Pozzo donne une copie du recueil, avec des répliques des dessins de Poussin et d’Alberti, à Paul Fréart de Chantelou.
Le manuscrit que possédait Paul Fréart de Chantelou, aujourd’hui conservé au Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, est à la base de la première édition imprimée du Libro di pittura. Il s’agit du Trattato della pittura di Lionardo da Vinci. Nuovamente dato in luce, con la vita dell’istesso autore, scritta da Rafaelle du Fresne. Si sono giunti i tre libri della pittura, & il trattato della statua di Leon Battista Alberti, con la vita del medesimo, que publie Raphaël Trichet du Fresne à Paris, chez Jacques Langlois, en 1651. Quelques mois plus tard, Jacques Langlois imprime une traduction française due à Roland Fréart de Chambray, frère de Chantelou. Intitulé Traitté de la peinture de Léonard de Vinci, donné au public et traduit d’italien en françois par R[oland] F[réart] S[ieur] D[e] C[hambray], le livre se distingue de l’édition italienne par ses annexes. D’abord, il s’ouvre, non sur les dédicaces à la reine Christine de Suède et à son médecin, Pierre Bourdelot, mais sur une lettre-dédicace à Nicolas Poussin, dans laquelle Chambray remercie Cassiano dal Pozzo d’avoir donné le manuscrit à son frère et Poussin de l’avoir illustré, tout en regrettant de n’avoir travaillé en collaboration avec le peintre français, qui aurait pu l’éclairer face à « l’obscurité du stile de cet autheur [Léonard de Vinci] », justifiant ainsi les éventuelles erreurs ou insuffisances de sa traduction. Par ailleurs, la vie de Léonard, que l’on rencontre dans l’édition italienne et qui constitue une source si précieuse pour établir l’histoire des tableaux du maître en France, est absente. Enfin, la liste des trente-cinq ouvrages d’art, notable en ce qu’elle constitue l’une des premières bibliographies de livres d’art, n’a pas été reproduite dans la traduction française, pas plus que le De pictura et le De statua d’Alberti qui clôturaient l’édition italienne. En revanche, le cœur du traité correspond à la version italienne. Des gravures, dérivées des dessins de Poussin et d’Alberti et enrichies par Charles Errard, illustrent le texte. Celui-ci est organisé en 365 chapitres, dont certains sont attendus (« comment il faut desseigner le nud », « comment il faut desseigner les païsages », « comme on doit representer une bataille ») tandis que d’autres sont révélateurs de la pensée léonardienne (« comment il faut estudier les mouvements du corps humains », « de la nature des contours des corps sur d’autres corps », « des villes & autres choses qui sont veües dans un air espais »). Au final, le résultat est décevant : le Traitté expose une succession de conseils pratiques, et non une pensée théorique aboutie ; les instructions se suivent de façon désordonnée, se juxtaposant sans grande cohérence.
Quoi qu’il en soit, le succès de la publication est immédiat, surtout à l’Académie royale de peinture et de sculpture, où artistes et théoriciens se passionnent pour les chapitres dédiés à la perspective. Il n’en demeure pas moins que l’ouvrage fait aussi polémique : Charles le Brun estime le Traitté comme la règle à suivre alors qu’Abraham Bosse, alors professeur de perspective à l’Académie, critique sévèrement l’ouvrage, le considérant comme trop approximatif. Poussin, lui aussi, désapprouve la publication, d’autant plus qu’il est déçu par les gravures censées reproduire ses dessins. Dans une lettre (dont l’authenticité n’est toutefois pas unanimement acceptée), il affirme : « Pour ce qui concerne le Livre de Léonard Vincy, il est vray que j’ay dessiné les Figures humaines qui sont en celuy que tient Monsieur le Chevalier Du Puis ; mais toutes les autres, soit géométrales ou autrement, sont d’un certain de Gli Alberti, celuy-là mesme qui a tracé les Plantes [planches] qui sont au Livre de la Rome Sousterraine [A. Bosio, Roma soterranea, 1632] et les gaufes Païsages qui sont au derrière des figurines humaines de la copie que Monsieur de Chambay a fait imprimer, y ont esté ajonts par un certain Errard, sans que j’en aye rien sceu. Tout ce qu’il a de bon en ce Livre se peut écrire sur une fueille de papier en grosse lettre ; et ceux qui croyent que j’approuve tout ce qui est ne me conoissent pas ; moy qui professe de ne donner jamais le lieu de franchise aux choses de ma profession que je connois estre mal faites et mal dites » (Correspondance, éd. Jouanny, 1911, lettre 185, p. 419-421).
Il n’en reste pas moins que le Traitté de la peinture demeurera jusqu’au XIXe siècle l’une des seules éditions imprimées des écrits de Léonard. Il a abondamment contribué à la fortune du peintre, tant en France qu’à l’étranger. Jusqu’alors considéré comme un philosophe, comme « ung aultre Archimedes », l’Italien acquiert, après 1651, un nouveau statut, celui de précurseur de la pensée théorique artistique moderne.

Laure Fagnart (F.R.S.-FNRS/Université de Liège) – 2011

Bibliographie critique

L. de Vinci, La peinture, Textes réunis, traduits et annotés par A. Chastel avec la collaboration de R. Klein, Paris, Hermann, 2004 (1ère éd. : Paris, 1964).

L. Fagnart, Léonard de Vinci en France. Collections et collectionneurs (XVe-XVIIe siècles), Rome, L’Erma di Bretschneider, 2009.

F. Fiorani, « Abraham Bosse e le prime critiche al Trattato della Pittura di Leonardo », Achademia Leonardi Vinci, 5, 1992, p. 78-95.

D. L. Sparti, « Cassiano dal Pozzo, Poussin and the Making and Publication of Leonardo’s Trattato », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 66, 2003, p. 143-188.

A. Sconza, Leonard de Vinci. Le traité de la peinture, Paris, Les Belles Lettres, 2011.

A. Sconza, Leonard de Vinci. Traitté de la peinture/Trattato della pittura, Paris, Les Belles Lettres, 2012.

K. Trauman Steinitz, Leonardo da Vinci’s Trattato della pittura. Treatise on Painting. A Bibliography of the printed editions 1651-1956 based on the complete collection in the Elmer Belt Library of Vinciana preceded by a Study of its Sources and Illustrations, Copenhague, Munksgaard, 1958.