LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Cataneo, Pietro
Titre L’architettura...
Adresse Venise, [P. Manuce], 1567
Localisation Getty Centre, Research Library, NA2517.C38 1567
Mots matière
Architecture privée, Églises, Fortifications, Hydrologie, Géométrie, Ordres, Perspective, Urbanisme
Transcription du texte

English

     La seconde édition du traité de Pietro Cataneo est singulièrement modifiée et augmentée. Les quatre premiers livres parus en 1554 sont mis à jour : trois chapitres sur la castramétation au temps des Romains sont ajoutés au premier livre, et au troisième douze chapitres « vitruviens » sur les styles de temples ainsi qu’une représentation du tempietto de Bramante (p. 72-73). Surtout apparaissent quatre nouveaux livres, consacrés successivement aux ordres d’architecture, aux eaux et aux bains, à la géométrie et à la perspective. Dans cette configuration, l’Architettura devient un traité complet, qui a l’ambition de rivaliser avec les ouvrages d’Alberti et de Serlio. Il inspira à Andrea Palladio un commentaire laudateur : « una opera di Architettura, con la quale ha non poco illustrato questa professione » (1570, I, 13, p. 15). C’est peut-être cette mention qui a donné à Roland Fréart de Chambray l’idée de s’intéresser à Cataneo pour l’associer à Daniele Barbaro dans son Parallèle, sans grand enthousiasme toutefois : « Et son compagnon Pierre Cataneo (que je ne lui donne que pour garder une égale conformité en mes dessins du parangon des auteurs modernes) ne sera qu’un petit clerc à la suite de ce grand prélat, quoiqu’il pût aller de pair avec la plupart des autres » (1650, p. 20). L’Architettura est citée dans la « bibliographie » de Louis Savot (L’architecture françoise..., 1624, p. 322), et dans ses notes au livre de Savot paru en 1685, François Blondel porte un jugement partagé : « il y a beaucoup à apprendre dans le Livre de Cataneo, particulièrement pour ce qui regarde la solidité, & pour plusieurs belles remarques qu’il a faites qui servent à la beauté de la disposition des bâtiments ; les règles néanmoins qu’il donne pour ses ordres d’architecture ne doivent point être suivies, n’étant pas de bon goût » (1685, p. 347).
Le traité n’en offre pas moins un grand intérêt, car il s’agit du premier livre d’architecture qui fonctionne avec un regard critique sur la littérature antérieure. Au livre V, pour donner les proportions du chapiteau dorique par exemple, Cataneo ne propose pas sa propre méthode, mais il établit un parallèle entre Vitruve, Alberti et Serlio (p. 113-115), au cours duquel il s’en prend au Florentin (« capitello molto mal proporzionato, e pero mostruoso »), et surtout au Quarto libro, critiquant la saillie du modèle serlien et surtout la présomption de l’auteur qui a osé prétendre que son chapiteau était mieux proportionné que celui de Vitruve : « cosa veramente ridicula alli intellegenti ».
L’animosité envers Serlio est constante dans l’Archittetura. Elle est due sans doute au fait que Cataneo a été exclu de l’héritage de l’illustre Baldassare Peruzzi, dont les papiers ont été, comme le rappelle Vasari, partagés entre Serlio et Jacopo Meleghino ; et le Bolonais aurait largement puisé dans ce legs pour son Quarto libro. Même si Cataneo s’inspire largement de Serlio pour les églises du livre III, les schémas géométriques du livre VIII et les ordres du livre V (le composite en particulier est semblable à l’ordre serlien), il ne manque pas une occasion de s’en prendre à lui. L’interprétation des bucranes et des patères de la frise dorique comme images des sacrifices antiques est réfutée ; mais l’explication donnée par ce dernier n’est guère plus convaincante (p. 117-118). Le Siennois va jusqu’à reprendre à la page 119 l’intégralité d’une planche du Quarto libro (1537, f. 21v°), pour montrer que sur sept exemples présentés comme des modèles à suivre, cinq sont en réalité éminemment fautifs et blâmables.
La polémique ne fait pas forcément le succès. En dépit d’indéniables qualités et d’une certaine originalité sur les problèmes techniques, le traité de Cataneo ne fut pas réédité. C’est qu’à sa date de publication, son inspiration globalement serlienne est dépassée : la relève a déjà été assurée par Vignole en 1562, et elle le sera à nouveau par Palladio en 1570.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2012

Bibliographie critique

E. Bassi, « Nota introduttiva », Pietro Cataneo, Giacomo Barozzi da Vignola. Trattati di architectura, V-2, Milan, Il Polifilo, 1985, p. 165-178.

R. Binaghi, « Pietro Cataneo Architettore nostro diletto ad Orbetello... », G. Beltramini, A. Ghisetti Giavarina & P. Marini (éd.), Studi in onore di Renato Cevese, Vicence, Centro Internazionale di Studi di Architettura Andrea Palladio, 2000, p. 41-59.

F. P. Fiore, « Trattati e teorie d’architettura del primo Cinquecento », A. Bruschi (éd.), Il primo Cinquecento, Milan, Electa, 2002, p. 517-519.

G. Nido, Pietro Cataneo trattatista d’architettura del Cinquecento. Saggio introduttivo per una lettura critica della sua opera, Raccolta Pisana di saggi e studi, 29, Florence, Marchi & Bertolli, 1968.

A. Secondo-Tessari, « In modo crucis : simbolismo religioso nel trattato sull’architettura di Pietro Cataneo », Storia della Città, 43, 1988, p. 69-84.