LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s)

Serlio, Sebastiano
Coecke, Pieter (traducteur)

Titre Reigles generales de l’architecture...
Adresse Anvers, P. Coecke, 1542
Localisation Moulins, Médiathèque communautaire, Fol. 23344
Mots matière Ordres

English

     Le Quarto libro ou Regole generali di achitectura, qui avait été le premier des livres publiés par Serlio fut aussi le premier à être traduit par Pieter Coecke, d’abord en néerlandais en 1539, puis en français en 1542 et en allemand en 1543. De la première version française on ne connaît aujourd’hui que quelques exemplaires (Londres, collection privée ; bibliothèque de l’université de Yale). La bibliothèque municipale de Moulins possède l’unique exemplaire conservé en France.
La traduction française suit de près l’édition néerlandaise pour la mise en page et les illustrations. En 1542 toutefois Pieter Coecke propose une nouvelle page de titre à grotesques et ajoute une dédicace à la régente des anciens Pays-Bas Marie de Hongrie, qui aime « lire livres, ceux principalement, qui remémorent choses antiques et authentiques ». Il revendique la traduction du « présent livre, traduit d’italien en français, contenant les règles générales d’architecture, « concordantes à la plupart avec les écrits de Vitruve », sans mentionner le nom de Serlio qui n’apparaît qu’à la dernière ligne de l’ouvrage.
Les chapitres consacrés au second œuvre à la fin du volume sont remaniés comme dans l’édition néerlandaise, avec un alphabet romain qui remplace les blasons de Serlio, et un texte adapté pour la circonstance. Coecke recompose les planches LXXIVv° et LXXV du Quarto libro, et reprend quelques motifs du feuillet LXXIV qu’il associe sur le f. 71 au nouveau texte.
Pour la traduction Coecke avait déjà été confronté au problème linguistique du lexique vitruvien qu’il avait dû inventer pour la traduction néerlandaise et qu’il transposa pour la version française. Dans le cas présent il disposait en outre de la version française du traité de Sagredo (Medidas del romano, 1526) publiée par Simon de Colines en 1536 et rééditée en 1539 et 1542. Il lui emprunte des mots tels que « bozel », utilisé par les ouvriers pour désigner la moulure dite par Vitruve astragale (astragalus), mais aussi des termes savants tels que « architrave », « frise », « trochile », « scotie », « triglyphes », « métopes »... Il supprime logiquement les doublets, impossibles à traduire (« detto tondino » ; « che altri dicono cavetto », etc.). Il laisse en italien les noms des monuments ou sites (« capo de la militia trayana », f. 9v° ; « carcer Tulliano », « foro boario », f. 18) ou des régions, omettant parfois le nom de la ville (« Auderzo nel Friulle », f. 37v°) ; il transpose l’italien « stanze » en « stanties », « sima » qui désigne la doucine sommitale du fronton en « scime », « cimatio lesbio » en « cimatie lesbie » ; « hiperthiro » en « hipertire », « antipagmento » en « antipagmente », quand il ne reprend pas tel quel le mot italien (« lacunarii »). En revanche il latinise des expressions : l’italien « sima scalptura » est corrigé en « sima sculptura » (f. 20).
Il ajoute parfois au texte des parenthèses, « (ainsi qu’avez ouï) », « (appelés de Vitruve subténies) »... D’autres fois il glose de façon surprenante. La phrase « se pur l’Architetto vorrà fare una porta Dorica semplice et di poco ornamento » (1537, f. XXIVv°) est ainsi traduite : « si donc l’architecte veut faire un thiromatum ou huis simple et de petit enrichissement selon l’ordre dorique » (f. 21). Les divers membres « coperti di opera rustica » (1537, f. XXVIIv°) deviennent « mêlés avec le villageois » (f. 24). Il raccourcit aussi les énumérations par « etc. ».
On peut signaler des coquilles, imputables sans doute au typographe plutôt qu’à Coecke lui-même (« voullant » au lieu de « vouant », ou « qui couche rasibu plancher de cette loge » pour « touche »). Mais en l’état, la traduction du texte de Serlio, malgré quelques imperfections, est une remarquable réussite pour les années 1540 et dénote de la part de Pieter Coecke une grande ouverture intellectuelle. Grâce à ses éditions en plusieurs langues et à leurs rééditions qui prirent en compte les révisions de Serlio, il diffusa rapidement la théorie architecturale la plus moderne dans toute l’Europe du Nord auprès d’architectes comme Vredeman de Vries et de peintres septentrionaux tel que Pieter Aertsen.
Le Livre IV fut réédité en 1545 et 1550.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2011

Bibliographie critique

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M. Vène, Bibliographia Serliana. Catalogue des éditions imprimées des livres du traité d’architecture de Sebastiano Serlio (1537-1681), Paris, Picard, 2007, p. 58-59.

 


 

 

Notice

Reigles générales de l’architecture, sur les cinq manières d’édifices... avec les exemples danticquitez, selon la doctrine de Vitruve... anno 1545. - (« fol. 72 ».) « Fin de la IIIIe livre d’architect. Sebastien Serlii, translate et imprime en Anvers par Pierre van Aelst ».
72 ff. ; in-fol.
La date de 1542 se trouve dans les ornements du titre.
Moulins, Médiathèque communautaire, Fol. 23344.