LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Martin, Jean
Titre
C’est l’ordre qui a été tenu à la nouvelle et joyeuse entrée, que... Henri deuxième... a faite... en sa bonne ville... de Paris...
Adresse Paris, J. Dallier, 1549
Localisation Paris, Binha, 8 Res 531
Mots matière Entrée

English

     Parmi les nombreuses entrées qu’effectua Henri II après son avènement en 1547, celle de Paris, en juin 1549, revêt une importance toute particulière. Y participèrent en effet de près ou de loin les plus grands noms de la littérature et de l’art français : pour la poésie, Thomas Sébillet, Ronsard et du Bellay, qui rédigea à l’occasion une pompeuse Prosphoneumatique ; pour la conception du programme et la rédaction du livret, Jean Martin, illustre traducteur de Vitruve ; pour l’architecture, Jean Goujon (qui se chargea aussi de la gravure des planches du livret), Pierre Lescot et Philibert De l’Orme ; pour la peinture, Jean Cousin, qui réalisa sans doute la « plate peinture » représentant « Lutetia Prima Pandora ». Cette extraordinaire réunion de talents fit de la cérémonie une sorte de manifeste sinon d’un « néo-classiscisme », comme le disait dès 1924 François Gébelin, du moins du nouvel art qui allait se développer sous le règne du jeune roi.
L’esthétique prônée par la Pléiade, particulièrement dans la Défense et illustration de la langue française publiée par du Bellay cette même année, rompait fondamentalement avec le style « humble » de Clément Marot et de ses imitateurs ; de même, le style architectural développé dans les structures provisoires imaginées par Goujon ou Lescot n’avait plus rien de commun avec le style fleuri et aimable des châteaux du règne précédent. En substituant à la fête médiévale une résurrection du triomphe à la romaine, les concepteurs des entrées en anoblissaient la nature, et le répertoire architectural qui allait désormais orner les villes prenait une autre dimension : symbole de cette métamorphose stylistique, l’arc de triomphe s’imposait désormais dans les réalisations éphémères comme dans l’architecture réelle, au Louvre, à Anet, à Écouen. Du Cerceau l’avait bien compris, qui la même année 1549 publiait ses XXV exempla arcuum. Plus généralement, le « badinage » ornemental des châteaux de la Loire laissait place à un style élevé, sublime, dont les Odes de Ronsard, sur le point d’être publiées, donnaient l’équivalent poétique.
Les modèles architecturaux développés par Goujon et Martin dans le livret, qui sans doute diffèrent des réalisations éphémères, sont issus des traités de Serlio. Les ordre serliens apparaissent dans l’ordre canonique : toscan et dorique à la porte Saint-Denis, ionique à la fontaine du Ponceau, corinthien devant Saint-Jacques de l’Hôpital, composite à la fontaine des Innocents (seul témoignage subsistant encore de la fête) et « composé » à l’arc du pont Notre-Dame. Par ailleurs, les structures de ces bâtiments sont évidemment des amplifications de « lieux communs » serliens, choisis tant dans le Quarto libro (porte Saint-Denis, fontaine des Innocents) que dans le Terzo libro (l’arc Saint-Jacques s’inspire de l’arc de Pola), voire, dans le cas de l’arc du pont Notre-Dame, dans le Livre extraordinaire : l’ouvrage ne parut qu’en 1551, mais ses dessins devaient être connus de Jean Goujon, dont les rapports directs avec Serlio sont attestés.
Le texte rédigé par Jean Martin témoigne lui aussi d’une solide culture architecturale ; on n’en attendait pas moins du traducteur de Vitruve. Certaines expressions montrent que la science de l’auteur provient surtout de la lecture attentive du Quarto libro. Ainsi Martin parle de « proportion diagonée » pour les piédestaux doriques de l’arc de la porte Saint-Denis : c’est exactement l’expression employée par l’Italien (« proportion Diagonea »).
Les formes les plus originales sont celles que l’on peut attribuer à De l’Orme : l’arc du Palais, où l’on retrouve au tiers inférieur des colonnes un décor végétal similaire à celui qui orne l’ordre corinthien de l’avant-corps dans la cour d’Anet et l’arc avec salle à l’étage, bâti en travers de la rue Saint-Antoine pour fermer les lices des tournois (la gravure ne se trouve pas dans tous les exemplaires de l’ouvrage).
Le livret a été publié par deux éditeurs, Jacques Roffet, qui avait reçu dès le 31 mars 1548 un privilège pour une année, et Jean Dallier, dont est ici reproduite l’édition, dépourvue quant à elle de privilège. Les différences sont minimes, se résumant à quatre transitions de pages (7-7v°, 11v°-12, 31v°-32 et 36v°-37). Jean Dallier ajoute dans le présent exemplaire le compte-rendu du couronnement de Catherine de Médicis, absent des exemplaires de Roffet.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2012

 

Bibliographie critique

R. Cooper, « Jean Martin et l’entrée de Henri II à Paris », Jean Martin. Un traducteur au temps de François Ier et de Henri II, Cahiers V. L. Saulnier, 16, Paris, PENS, 1999, p. 85-111.

F. Gébelin, « Un manifeste de l’école néo-classique en 1549 : l’entrée d’Henri II à Paris », Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Île-de-France, 51, 1924, p. 35-45.

A.-M. Lecoq, « La ‘Città festeggiante’. Les fêtes publiques aux XVe et XVIe siècles », Revue de l’art, 33, 1976, p. 83-100.

A.-M. Lecoq, « Les fêtes de la Renaissance », Monuments Historiques, 119, 1982, p. 209-214.

I. McFarlane, The Entry of Henri II into Paris, 16 June 1549, Binghamon, New York, Center for Medieval and Early Renaissance Studies, 1982.

Y. Pauwels, « Propagande architecturale et rhétorique du Sublime : Serlio et les “Joyeuses entrées” de 1549 », Gazette des Beaux-Arts, 137, mai-juin 2001, p. 221-236.

Y. Pauwels, L’architecture au temps de la Pléiade, Paris, Monfort, 2002.

Y. Pauwels, « Les entrées de 1549 en France et en Flandres : réalité éphémère ou fiction pérenne ? », J. Nassichuk (éd.), Vérité et fiction dans les entrées solennelles à la Renaissance et à l’âge classique, Québec, « Les collections de la République des Lettres », 2009, p. 107-116.

Y. Pauwels, L’architecture et le livre en France à la Renaissance : « Une magnifique décadence » ?, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 108-113.

Y. Pauwels, « Le thème de l’arc de triomphe dans l’architecture urbaine à la Renaissance, entre pouvoir politique et pouvoir religieux », Marquer la ville. Signes, traces, empreintes du pouvoir (XIIIe-XVIIe siècle), Paris/Rome, Publications de la Sorbonne/École française de Rome, 2013, p. 181-189.

J.-M. Pérouse de Montclos, « Philibert De L’Orme à Paris. Le palais de la Cité, les fêtes de 1549 et 1559 », Revue de l’Art, 114, 1996-4, p. 9-16.

V. L. Saulnier, « Sébillet, du Bellay, Ronsard : l’entrée de Henri II à Paris et la révolution poétique de 1550 », J. Jacquot (éd.), Les fêtes de la Renaissance, 1, Paris, CNRS, 1956, p. 31-59.

H. Zerner, L’Art de la Renaissance en France. L’invention du classicisme, Paris, Flammarion, 1996, p. 225-234.

 

 

 

Notice

[Premier livret] C’est l’ordre qui a este tenu à la nouvelle et joyeuse entree, que tres-hault, tresexcellent, & trespuissant prince, le roy treschrestien Henry deuxiesme de ce nom, a faicte en sa bonne ville & cité de Paris, capitale de son royaume, le seziesme jour de juing M. D. XLIX. [f. 29 : Titre secondaire] S’ensuit l’ordre de l’entrée de la royne. – A Paris : par Jean Dallier libraire, demourant sur le pont sainct Michel à l’enseigne de la rose blanche, [1549]. Par privilège du roy – 38 ff. (sig. a-g4 A4 B6) : [2] pl. : ill. gr. sur bois ; in-4° (228 x 164 mm).
Relié avec : [Deuxième livret] C’est l’ordre et forme qui a este tenue au sacre & couronnement de treshaulte et tresillustre dame madame Catharine de Medicis, royne de France, faict en l’eglise monseigneur sainct Denys en France, le X. jour de juin. M. D. XLIX. – A Paris : Par Jean Dallier libraire, demourant sur le pont sainct Michel à l’enseigne de la rose blanche, [1549]. Et se vendent aussi chez Jean Rabel, rue du ferre, pres les escholes de Picardie, à l’enseigne de la baniere de France. Par privilège du roy – 10, [1] ff. (sig. A-B4 [1 blc] C2 [1 blc]) ; in-4° (228 x 164 mm).
[Premier livret] Les deux feuillets assemblés du cahier d ont été pliés à l’envers et reliés ainsi. De fait, le f. [13] se retrouve en f. [15], le f. 14 se retrouve placé en f. [16], le f. [15] se retrouve placé en f. [13] et le f. [16] en f. [14]. Notes ms. aux ff. [12] v° et [14] v° renvoyant à l’emplacement actuel des feuillets mal placés.
[Deuxième livret] Le feuillet blanc après C2 n’est pas un in-4° (pontuseaux inversés).
Filigranes non identifiés.
- Relié avec : Vigenère, Blaise de [Troisième livret] La somptueuse et magnifique entree du tres-chrestien roy Henry III..., Paris, Nicolas Chesneau, 1576. – 48 ff. (sig. A-F4) : ill. gr. sur cuivre ; in-4° (228 x 164 mm).
- Relié avec : Derossant, André [Quatrième livret] Estreines aux majestez de la cour de France, et a monseigneur le duc d’Esparnon..., Paris, Michel de Roigny, 1588. – [7-1 blc] ff. (sig. A4 B2 [ ]2 ; [ ]2 blanc) : ill. gr. sur bois ; in-4° (228 x 164 mm).
Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le Baron James de Rothschild, 1, Paris, Damascène Morgand, libraire, 1884 ; R. Brun, p. 72-73 ; Mortimer, I, n° 202 p. 247 ; Watanabe O’Kelly ; Vinet.
Paris, Bibliothèque de l’Inha, Collections Jacques Doucet, 8 Res 531. Numérisation INHA
*Notes :
- Reliure en parchemin, dos à 4 nerfs, deux lacets en fermoir coupés.
- Recueil factice de plusieurs entrées réunies en une unité bibliographique, chacune avec une page de titre particulière indiquant l’année, la ville d’édition et l’atelier d’impression. Le dernier livret, qui porte la date la plus tardive (1588), nous fournit un terminus ante quem à la reliure de l’ensemble.
- Les illustrations pliées ne semblent pas être des planches dépliantes, mais des feuillets massicotés dont la partie débordante a été repliée pour que tous les livrets soient reliés ensemble (de plus, l’illustration fait partie du cahier).
- Ex-libris manuscrit, deux fois répété, à l’encre brune en partie illisible, au bas des pages de titre du premier livret : « Sum Hieronymus Bas […] » et du quatrième livret : « Jerôme Bas [...]. - A Paris ». L’absence de numéro d’inventaire peut laisser supposer que l’ouvrage est entré à la bibliothèque d’Art et d’Archéologie Jacques Doucet avant le 12 mars 1912.