LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Barbet, Jean
Bosse, Abraham
Titre Livre d’architecture d’autels, et de cheminees
Adresse Paris, M. Tavernier, 1633
Localisation Paris, Binha, 4 Res 100
Mots matière Autels, cheminées

English

     Jean Barbet (1605- avant 1654), sans doute originaire de Normandie, eut une carrière de bâtisseur relativement féconde, menée principalement sur les chantiers de la Loire à l’ombre de Jacques Lemercier, l’architecte du cardinal de Richelieu. En 1633 il signe avec le cardinal un marché en qualité de « maître maçon à Paris » pour la construction de trente-deux maisons à Richelieu, où sa présence est attestée en 1634 en tant qu’« entrepreneur des bastiments de ladite ville ». Dans les mêmes années, il travaille aussi à Saumur, sur le chantier de Notre-Dame des Ardilliers, où, sous la direction de Pierre Lemercier, il exécute les plans de Jacques, demi-frère de ce dernier. Il est encore au service du clan Lemercier à partir de 1643 à Orléans, où il a maille à partir avec l’architecte à propos de la construction de la flèche de Sainte-Croix. Il œuvre également pour Gaston d’Orléans à Blois à partir de 1636.
Le projet du Livre d’architecture est peut-être lié au chantier de Notre-Dame des Ardilliers, que Richelieu avait décidé de rénover en 1632. En effet, le maître-autel du sanctuaire, achevé en 1634, présente quelques similitudes avec certains des modèles dessinés par Barbet, qui aurait pu en avoir l’idée. Mais selon Alexandre Gady, il faut plutôt en attribuer la paternité à Jacques Lemercier. Il n’est pas impossible néanmoins de penser qu’en dédicaçant le recueil à Richelieu, le maître-maçon faisait en quelque sorte acte de candidature en proposant au cardinal une démonstration de ses talents de dessinateur, pour les cheminées (« Ayant passé quelque temps à desseigner ce qu’il y a de beau dans Paris, je me suis exercé depuis a faire ce petit Ouvrage, que je vous donne »), et une sorte de catalogue de projets de maîtres-autels, dans lequel le cardinal aurait pu choisir un modèle pour Saumur.
Les conditions de publication du Livre d’architecture sont bien connues, ce qui est exceptionnel pour un ouvrage de ce type à cette époque. Par le marché du 25 février 1630 (Arch. nat., Minutier central, VI, 206, Fleury, p. 652) Barbet s’engageait à travailler pendant deux ans pour Melchior II Tavernier, logé et nourri par l’éditeur, avec un salaire de 650 livres payables sur les deux années. Les gravures en taille-douce sont réalisées par le meilleur graveur de l’époque, Abraham Bosse, qui continua à collaborer avec son ancien patron. L’ouvrage est retiré plus tard par Tavernier toujours avec la date de 1633 mais son adresse ne porte plus la mention finale « au coin de la rue de Harlay » : les numéros de planches manquants dans la première édition ont été rajoutés. Ce retirage aurait été réalisé entre 1638, date de l’installation de Tavernier à La Sphère Royale, et 1644, lorsqu’il cesse son activité (Fuhring 2003, p. 430). Mais Tavernier est déjà installé à La Sphère Royale en 1637, comme l’atteste la publication d’une carte de la Grèce antique. Ensuite Pierre II Mariette, qui a racheté une partie du fonds Tavernier en 1644, en fit un retirage sans changer la date de 1633, se contentant de modifier l ’adresse.
L’ouvrage se situe dans une tradition de recueils de modèles inaugurée au XVIe siècle par Sebastiano Serlio et Jacques Androuet du Cerceau, perpétuée en Italie par Giovanni Battista Montano (Diversi ornamenti capricciosi per depositi e altari, publiés par Soria Rome, 1625) ou Bernardo Radi (Varie Inventioni per depositi..., Rome, 1625), est illustrée en France au XVIIe par Pierre Collot la même année 1633, puis par Jean Marot (Livre des cheminées, Paris, 1661) ou Jean Lepautre (Cheminées à la moderne, Paris, 1661). D’autres entreprises similaires avaient vu le jour en Flandres ou en Allemagne, en particulier les Etliche architectischer Portalen, Epitafien, Caminen und Schweyffen, publiés en 1596 par Veit Ecken à Cologne, où, pour la première fois l’on trouvait réunies portes, cheminées, autels et tombeaux, comme dans le livre de Barbet.
Le livre de Barbet a eu sans doute quelques répercussions dans la pratique, du moins pour les cheminées. On citera pour exemples celles réalisées aux châteaux de Cheverny, Richelieu, ou au château de Skokloster en Suède. Le musée des Beaux-Arts de Tours a acquis en 1957 une cheminée réalisée par un huchier anonyme très proche de celle représentée sur la planche 7 ; elle a été mise en place dans le salon Louis XIII du musée.
Le recueil connut deux éditions en Hollande, l’une en 1641 due à Cornelis Danckerts et une seconde la même année, diffusée par Frederick de Widt. Il fut publié en Allemagne en 1645. Mais c’est en Angleterre qu’il eut le plus de succès avec deux éditions au XVIIe siècle et une en 1706.
Le présent exemplaire comporte à la suite des dix-sept planches dessinées par Barbet un ensemble de gravures d’origines diverses, dont une, numérotée « 7 », provient des Pieces d’architecture de Pierre Collot (Paris, M. Van Lochom, 1633).

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2008

Bibliographie critique

A. Blum, L’œuvre gravé d’Abraham Bosse, Paris, Morancé, 1924.

G. Duplessis, « Catalogue de l’œuvre de Abraham Bosse », Revue universelle des arts, Paris, 1859, n° 338-355.

P. Fuhring, « Jean Barbet’s ‘Livre d’architecture, d’autels et de cheminées’ : Drawing and Design in seventeenth Century France », Burlington Magazine, 1203, juin 2003, p. 421-430.

A. Gady, Jacques Lemercier. Architecte et ingénieur du Roi, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2005.

M. Grivel, Le commerce de l’estampe à Paris au XVIIe siècle, Genève, Droz, 1986, p. 350-351, 378.

S. Join-Lambert, « Planches pour Barbet, Livre d’architecture, d’autels et de cheminées, 1633 », notice du catalogue Abraham Bosse savant graveur, Tours, vers 1604-1676, Paris, S. Join-Lambert & M. Préaud (éd.), Paris/Tours, Bibliothèque nationale de France/Musée des Beaux-Arts de Tours, 2004, p. 129.
(notice en ligne sur le site de la BnF, http://expositions.bnf.fr/bosse/grand/085.htm)

Y. Pauwels, « Francine, Collot, Barbet : recueils de modèles ou exercices de style ? », J.-P. Garric, É. d'Orgeix & E. Thibault (éd.), Le livre et l’architecte, Wavre, Mardaga, 2011, p. 161-171.

R.-A. Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1939, I, p. 494.

 

Notice

Livre d’architecture d’autels, et de cheminees, dedie a monseigneur l’eminentissime cardinal duc de Richelieu, &c. De l’invention et dessin de I. Barbet. Gravé à l’eau forte par A. Bosse. 1633. A Paris, Avec Privilege du roy. Et se vend chez l’autheur, en la vieille ruë du Temple, proche la fontaine à limage Nre Dame et chez M. Tavernier, en l’isle du Palais, au coin de la rue de Harlay.
Suite de 17 planches gravées sur cuivre représentant des autels et des cheminées, page de titre à encadrement architecturé, dédicace au cardinal de Richelieu ; 285 x 205 mm.
Dimensions moyennes des planches : 210 x 140 mm
Planches montées sur onglets. Seules les planches 4 à 7, 9 et 10 portent une numérotation gravée, au coin inférieur gauche ou droit.
Berlin Katalog 3712 ; Destailleur, p. 63 ; Guilmard, p. 49 ; Fowler 38 ; RIBA 187
Paris, Bibliothèque de l’Inha, Collections Jacques Doucet, 4 Res 100.
Notes :
- Relié avec une suite de 12 planches gravées sur cuivre, sans nom d’auteur, ni titre ni date, dont la première porte l’adresse : A Paris, De l’imprimerie d’Herman Weyen, ruë S. Iacques, à l’enseigne S. Benoist près la Poste. Pl. montées sur onglets, avec numérotation continue gravée au coin inférieur gauche jusqu’à la pl. 113, et numérotation continue manuscrite à l’encre brune (de 114 à 125).
- Demi-reliure début XXe siècle (Pagnant).
- Le Livre d’architecture de Barbet a été acheté en ff. par Jacques Doucet à la vente d’Edmond Foulc (3-6 juin 1914, n° 92 du catalogue de vente) par l’intermédiaire du libraire parisien Albert Besombes. Dans le catalogue de vente, les deux suites en feuillets non reliés sont indiquées sous le même numéro de vente. Elles sont enregistrées à la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie Jacques Doucet le 11 juillet 1914 avant d’être reliées ensemble par Pagnant.