LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Du Breuil, Jean
Titre La perspective practique...
Adresse Paris, M. Tavernier/F. Langlois, 1642
Localisation Paris, Ensba, Gonse 53
Mots matière Perspective
Transcription du texte

English

     La Perspective practique necessaire à tous peintres, graveurs, sculpteurs, architectes, orfèvres, brodeurs, tapissiers & autres se servans du Dessein est publiée en 1642 avec un privilège de février 1639, accordé au très estimé imprimeur parisien Melchior Tavernier qui partagera ce privilège en octobre 1641 avec François Langlois, son associé et son successeur.
L’ouvrage ne donne pas le nom de l’auteur ; il indique seulement que celui-ci est un « religieux de la compagnie de Jésus ». Cependant, pour ses contemporains, l’identité de l’auteur ne fait pas de doute. Abraham Bosse, dans une lettre publiée (Lettres écrites au SR Bosse... Avec ses réponses..., Paris, 1668, p. 13), fait allusion à la « Perspective pratique du F.D.B.I. », initiales de Frère Du Breuil Jésuite. Jean Du Breuil (1602-1670), féru de mathématiques dont les écrits (ou les copies d’écrits) sur la perspective, l’architecture et l’art des fortifications semblent circuler assez librement, fait partie d’une grande famille de libraires; il a lui-même été enregistré par la chambre syndicale comme libraire en 1622 et a quitté cette profession pour rejoindre la compagnie de Jésus, puis, après quelques emplois, diriger le noviciat de Dijon.
La dédicace de l’ouvrage, écrite par Tavernier, datée du 10 novembre 1640 comme l’indique la réédition de 1651, est adressée à Louis de Bourbon, duc d’Enghien, le futur Grand Condé, alors âgé de 19 ans. Il n’est pas encore l’illustre vainqueur de Rocroi, mais il gouverne la Bourgogne et s’est déjà illustré au siège d’Arras. C’est surtout un protégé de Richelieu. Elevé comme un possible futur roi, il a fait des études approfondies hors du commun. Il n’est pas invraisemblable que Jean Du Breuil ait participé par ses écrits à l’éducation mathématique du prince comme semble l’indiquer une phrase de cette dédicace : « L’original de ce Livre… a été fait avec d’autres pour son usage, par une personne Religieuse de la Compagnie de Jesus, entièrement dédiée à son service ».
En 1642, ce livre est présenté comme un ouvrage complet, mais dans sa préface l’auteur indique déjà son désir de le prolonger par l’étude d’autres domaines de la perspective. Il sera effectivement complété par les deux traités de 1647 et 1649. La Perspective pratique est une très bonne compilation des nombreux traités préexistants. Ce sera d’ailleurs la fortune de cet ouvrage, notamment en Angleterre où « La perspective des jésuites » sera un manuel de référence pendant plus d’un siècle. L’auteur cite ses sources : Georges Reich, Viator, Dürer, Jean Cousin, Barbaro, Vignole, Serlio, du Cerceau, Sirigati, Salomon de Caus, Marolois, Vredeman de Vries, Guido Ubaldi, Pietro Accolti, Vaulezard, Desargues et Niceron. Bien qu’il soit mentionné, Desargues ne se priva pas de déclencher une furieuse controverse dès la parution de l’ouvrage. Pourtant Du Breuil avait bien précisé son projet : « prendre des uns & des autres, ce qui pouvait servir à mon sujet, pour après faire une restitution générale des larcins privés, esquels j’ai meslé un peu du mien pour les lier & suivre un ordre qu’ils s’étaient oubliés de garder. » Il s’agit donc d’une clarification pédagogique des diverses méthodes connues et utilisées en perspective (double projection, utilisation des points de distance, portillon de Dürer, échelles arguésiennes, etc.).
Du Breuil divise son ouvrage en cinq parties :
      1. Définitions et éléments de géométrie. Définitions des principaux termes utilisés en perspective et principes de cette science.
      2. Pratiques des plans. Passage du géométral au perspectif pour différentes figures planes régulières. Utilisation de diverses méthodes pour raccourcir.
      3. Pratiques des élévations. Mises en perspective de figures simples de l’espace et d’éléments d’architecture simplifiés.
      4. Mesures et proportions de différentes figures représentées dans un même tableau.
      5. Pratiques pour trouver les ombres naturelles, tant au soleil qu’au flambeau.
Si les trois premières parties ne posent pas vraiment de problèmes, les deux dernières comportent de nombreuses erreurs. Dans la quatrième partie (p. 118), on trouve « une manière universelle pour pratiquer la Perspective, sans mettre le poinct de distance hors du Tableau, ou champ de l’ouvrage, mise au jour par le Sieur G.D.L. », les initiales désignant évidemment Girard Desargues Lyonnais. C’est un emprunt au texte de Desargues de 1636, sans l’autorisation de l’auteur. Du Breuil ne domine pas cette nouvelle et très mathématique manière de mettre en perspective. Sa copie renferme des fautes qui desservent la méthode arguésienne, d’où la colère de son auteur. Quant à la dernière partie, Poudra la juge ainsi : « On voit donc qu’il ne comprenait pas cette détermination des ombres […]. Il est tellement persuadé du parallélisme de ses ombres en perspective que, page 140, il donne la description d’un instrument appelé fausse équerre ou sauterelle, pour tracer ces parallèles » (Poudra 1864, p. 227).
En dépit de ces insuffisances qui seront partiellement rectifiées en 1651, le manuel de Du Breuil constitue un remarquable effort pour mettre à la disposition de plusieurs corps de métier des connaissances pratiques dans l’art de dessiner selon les lois de la perspective. La renommée de l’ouvrage dépassera celle de son modeste et savant auteur.

Jean-Pierre Manceau (Tours) – 2011


Bibliographie critique

S. Bertière, Condé le héros fourvoyé, Paris, De Fallois, 2011.

M. Le Blanc, D’acide et d’encre, Abraham Bosse (1604 ,-1676) et son siècle en perspectives, Paris, CNRS Éditions, 2004.

A. M. Lottin, Catalogue chronologique des libraires et des libraires-imprimeurs de Paris, Paris, Lottin, 1789, Seconde Partie, p. 55.

N.-G. Poudra, Histoire de la Perspective ancienne et moderne, Paris, Corréard, 1864.

N.-G. Poudra, Œuvres de Desargues, Paris, Leiber, 1864, 2, p. 221-226.

 


 

Notice

Perspective practique (La) : nécessaire à tous peintres, graveurs, sculpteurs, architectes, orfèvres, brodeurs, tapissiers, & autres se servans du dessein / par un Parisien, religieux de la Compagnie de Jesus [le père Jean Du Breuil]. A Paris : chez Melchior Tavernier : chez François l’Anglois, dit Chartres, rue S. Jacques, aux Colomnes d’Hercule, 1642.
1 volume de 170 feuillets, savoir [XXII]p. - 150 f. : frontispice ; planches gravées sur cuivre en recto, et texte imprimé en verso ; bandeaux et lettrines gravés, in-4.
Cicognara 823 ; Berlin Kat 4714 ; Fowler 108 ; RIBA 921.
Vol. 1 : La perspective pratique...-- Diverses methodes universelles, et nouvelles, en tout ou en parti pour faire des perspectives. (1642)-- Advis charitables sur les diverses oeuvres, et feuilles volantes du Sr. Girard Desargues Lyonois. (1642) [-- Vol. 2 : De la perspective pratique, qui donne une grande facilité à trouver les apparences de tous les corps solides, tant réguliers qu’irréguliers, penchez, renversez, inclinez, et déclinez comme l’on voudra soit qu’ils posent sur terre, ou qu’ils soient suspendus en l’air-- Vol. 3 : De la perspective pratique, ou se voient les beautez & raretez de cette science, avec les méthodes pour les pratiquer sur toutes sortes de plans ; et les effets admirables des trois rayons, droit, reflechy, et brisé.].
Comprend une des annexes décrites par Cicognara : « Diverses méthodes universelles en tout ou en partie pour faire des perspectives »... - A Paris, Tavernier et Langlois, 1642. [8]-10 f.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Gonse 053.
*Notes :
- Reliure de parchemin du temps, 25 x 18 cm.
- Ex-libris sur le plat supérieur : « M. Louis Desforges », à l’encre brune.
- De la bibliothèque d’Henri Gonse, léguée par Mlle Henriette Gonse à l’École des Beaux-Arts, 2005.