LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Androuet du Cerceau, Jacques
Titre
Livre d’architecture...
Adresse Paris, B. Prévost, 1559
Localisation Paris, Ensba, Masson 647
Mots matière Châteaux, Jardins

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     Jacques Androuet du Cerceau l’Aîné, architecte, dessinateur, graveur et éditeur, d’abord installé à Orléans comme patron d’un atelier de gravure publia dans les années 1540-1550 ses premiers ouvrages, les Petites habitations (1540 ca) et les Moyens temples (1550). Dans ces deux recueils de planches à l’eau-forte, il avait rassemblé, sans ordre et sans projet didactique, des inventions architecturales. À la fin des années 1550, établi à Paris, il monta de façon plus méthodique un projet éditorial d’une toute autre portée intellectuelle et commerciale. En 1559, il publia un premier Livre d’architecture, auquel il ajouta en 1561 un supplément, le Second livre d’architecture. Puis, après avoir achevé l’édition des Plus excellents bastiments de France (1576-1579), une anthologie sans égale alors en Europe, il compléta en 1582 la série des livres de modèles en publiant un troisième Livre d’architecture.
Le premier Livre contient cinquante modèles d’habitation (le troisième Livre trente-huit) pour toutes les classes de la société et toutes les bourses. Les modèles sont classés de manière progressive selon le coût de leur construction : la logique des recueils est de nature économique. C’est le toisé général qui régit la succession des modèles, le développement du plan et non l’emprise au sol du bâtiment, ce qui explique l’ordre apparemment arbitraire de certaines planches. Le Second livre propose, lui, les motifs utiles pour orner l’extérieur et l’intérieur des maisons, combinables à volonté avec les modèles de premier et du troisième Livre.
Ces livres sont des ouvrages pratiques. Pour être maniables, emportés éventuellement sur le chantier par le client, ils sont de petit format. Dans chacun d’eux, l’introduction, volontairement brève, expose le but de l’ouvrage et la manière de l’utiliser. Les planches gravées à l’eau-forte (technique dans laquelle du Cerceau excelle) proposent plan et élévation en géométral ou à vol d’oiseau et, plus rarement, coupes ou plan masse, sur la même feuille pour les plus petits modèles et sur plusieurs pour les plus grands. La distribution est soigneusement élaborée et représentée ; des légendes permettent de la suivre dans sa variété aux différents niveaux. Le texte joint à la figure commente le modèle de façon technique. La description de la maison est métrologique, la seule qui intéresse à la fois le maçon et le propriétaire, l’un et l’autre soucieux du coût du bâtiment. Les données topographiques différent selon les ouvrages. Dans le premier Livre, elles sont pratiquement inexistantes ; la plupart des modèles, détachés du sol, sont atopiques. Sauf pour les premiers planches, à l’évidence de petites maisons urbaines, le recours au texte s’impose pour connaître la destination de l’édifice proposé, en ville ou à la campagne. Dans le troisième Livre, en revanche, le programme topographique est clairement énoncé. Les modèles proposés sont tous prévus pour être bâtis à la campagne ; ils sont d’ailleurs « mis en situation » au milieu d’un jardin.
Les Livres d’architecture s’adressent au plus grand nombre. La gamme des modèles est restreinte, l’utopie est tenue dans des limites prosaïques, sauf pour les derniers modèles du premier Livre et, plus encore, pour ceux du troisième. Pour être accessibles à tous, les deux ouvrages sont rédigés en français. Cependant, les légendes des planches du premier Livre sont en latin, ce qui permit à du Cerceau de réutiliser les cuivres pour l’édition latine de l’ouvrage, destinée à la clientèle internationale.
Le Livre de 1559 a un but avoué. Du Cerceau – manifestement impressionné et influencé par la rigueur démonstrative du manuscrit du Livre VI de Serlio (1547/54) – veut profiter de ce moment d’effervescence doctrinale pour s’insérer à point nommé dans le monde de l’édition, insuffler une vigueur nouvelle à l’architecture française, prévenir les éventuels concurrents et éliminer les architectes étrangers du marché national. Il le déclare en ces termes dans sa dédicace au Roi. Serlio et son traité manuscrit qui, à cette date, peut toujours être publié, sont visés. Le Livre de 1582 paraîtra dans des circonstances analogues. Mais, outre ses intérêts commerciaux, du Cerceau défend aussi des objectifs scientifiques, l’action heuristique du dessin - et notamment du dessin perspectif.
Les modèles de maisons proposés dans les Livres d’architecture ne sont pas les purs fruits de la fantaisie de l’auteur. Derrière cet exercice de variation sur le thème de la demeure apparaissent des principes de composition qui permettent de repérer des familles de formes. D’une part du Cerceau invente selon des principes de composition particuliers à chacun des deux recueils, d’autre part il modélise le réel. Androuet, un des meilleurs connaisseurs de l’architecture de son temps, utilise la documentation recueillie sur place ou chez les architectes et les propriétaires pour élaborer ses modèles, en la citant ou en l’interprétant. Il n’y a pas de planches des Livres où ne se trouvent à la fois des réminiscences du passé et des propositions nouvelles. Le client qui retrouvait dans tel modèle à l’évidence up-to-date, le confortable cabinet couvert d’un dôme au sommet de l’escalier, orgueil du manoir voisin, ou bien, près de la cheminée, la place du lit identique à celle arrêtée par son grand-père dans le château familial, était bien convaincu que ce Livre allait lui être indispensable. Et, effectivement, ces deux ouvrages ont eu un succès considérable. En témoigne leur présence dans toutes les bonnes bibliothèques de gentilshommes au XVIIe siècle. En témoignent surtout le nombre de demeures de la fin du XVIe siècle et du XVIIe siècle encore subsistantes, qui obligent à retourner aux Livres d’architecture pour comprendre comment ils ont été utilisés et interprétés. Car ils nourrirent longtemps l’imaginaire des propriétaires et des constructeurs, architectes ou maçons.

Françoise Boudon (Cnrs, Paris) - 2004

 

Bibliographie critique

J. Androuet du Cerceau, Les trois livres d’architecture : Paris, 1559, 1561, 1582 (édition en fac-similé), Ridgewood N. J., Gregg Press Inc., 1965.

J. Androuet du Cerceau, Les plus excellents bastiments de France..., présentation et commentaires par D. Thomson, Paris, Sand & Conti, 1988 (chronologie documentaire et bibliographie générale p. 310-316).

F. Boudon, « Les livres d’architecture de Jacques Androuet du Cerceau », J. Guillaume (éd.), Les traités d’architecture de la Renaissance, Paris, Picard, 1988, p. 367-396.

H. von Geymüller, Les Du Cerceau. Leur vie et leur œuvre d’après les nouvelles recherches, Paris/Londres, Rouam/Wood & Co, 1887.

D. Thomson, Renaissance Architecture. Critics Patrons Luxury, Manchester/New York, Manchester UP, 1993.

D. Thomson, « Les trois Livres d’architecture de Jacques Ier Androuet Du Cerceau, à Paris en 1559, 1561 et 1582 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 449-450.

 

 

Notice

Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan... – A Paris, s.n., 1559. - In-fol.
Berlin Katalog 2360 ; Geymüller 315.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Masson 647.
*Notes :
- Reliure de basane avec plaque centrale à fleurons dans un grand cadre à triple filet doré et fleurons aux angles, et triple filet estampé à froid en bordure.
- Mention manuscrite sur page de garde : « Di Claudio » (XVIIIe siècle).
- Donation de Jean Masson à l’École des Beaux-Arts, 1925.