LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Androuet du Cerceau, Jacques
Titre Second livre d’architecture...
Adresse Paris, A. Wechel, 1561
Localisation Paris, Ensba, Les 1598
Mots matière Cheminées, Portes, Lucarnes, Fontaines, Puits

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     Comme tout grand couturier propose en complément de ses collections un catalogue d’accessoires, Jacques Androuet du Cerceau, dans le Second livre, agrémente le « prêt-à-bâtir » du Livre d’architecture de 1559 d’un répertoire de motifs destinés à « enrichir tant le dedans que le dehors d’un chacun édifice » du premier recueil : cheminées, lucarnes, portes et fenêtres pour la demeure, fontaines, puits et pavillons pour le jardin, et enfin, pour le client très prévoyant, un choix de sépultures à la dernière mode. Pour ce faire, du Cerceau a réuni des modèles et des projets réalisés antérieurement : on connaît pour certains d’entre eux plusieurs dessins, qui remontent jusqu’au milieu des années 1540. Si le livre est clairement présenté comme un complément du précédent, il permet aussi d’orner tout édifice déjà existant de façon tout à fait autonome. Ainsi Jean-Jacques Gloton a-t-il pu voir dans les cheminées numérotées 19 et 21 dans l’exemplaire de l’Ensba les modèles de celles de l’étage noble de Lourmarin (1979, 1, p. 103).
Certains éléments comme les portes et les cheminées, classés selon les cinq ordres, apparaissaient déjà çà et là dans le Quarto libro de Serlio ; mais il ne s’agissait pas encore d’un catalogue d’ornements présenté comme tel. Le principe est peut-être inspiré par une publication ultérieure de Serlio, le Livre extraordinaire (Lyon, 1551), dans lequel l’auteur proposait cinquante modèles de portes toutes différentes – de même que le Livre d’architecture d’Androuet du Cerceau est similaire au septième livre du Bolonais, jamais publié du vivant de son auteur
À l’inventio du premier livre succède donc l’elocutio ; à la recherche des arguments de construction vient s’ajouter celle des ornements qui ajoutent à la commoditas et à la firmitas des modèles de demeures l’indispensable venustas sans laquelle l’architecture ne serait que maçonnerie. Dans cette optique, la démarche du Second livre est d’ordre essentiellement esthétique, et d’une esthétique conforme aux canons en vigueur à la moitié du XVIe siècle, essentiellement fondée sur la richesse, l’abondance et la licence. La mise en œuvre de ces décors obèrerait sérieusement les évaluations de coût du Livre d’architecture... Du Cerceau s’adonne à la « fureur architectique » et la « fantaisie » abondante évoquées par Serlio dans le Livre extraordinaire, tout en restant proche de la pratique française, en particulier pour les grandes cheminées très ornées, qui évoquent celles d’Écouen ou de Fontainebleau, ou encore, dans le cas de la cheminée ici numérotée 3, une cheminée dont David Thomson a pu identifier la modèle au château de Madrid au bois de Boulogne. Dans l’ensemble, les éléments de décor utilisent très librement le répertoire des ordres, et l’on peut identifier comme dans le Quarto libro de Serlio cheminées, lucarnes et portes doriques, ioniques et corinthiennes ; d’autres superposent les ordres, d’autres font appel à des motifs plus libres, cuirs à la manière bellifontaine, supports anthropomorphes très variés, qui annoncent évidemment le recueil de Hugues Sambin, Œuvre de la diversité des termes (Lyon, 1572).
La partie la plus originale est le recueil de sépultures. Dans leur ampleur et leur richesse ornementale, toutes s’adressent à une clientèle très fortunée : les tombeaux-mausolées avec gisants et orants évoquent même dans leur conception les récentes tombes royales de Louis XII et de François Ier à Saint-Denis. Du Cerceau fait écho ici aux chefs-d’œuvre qui caractérisent la sculpture funéraire française au XVIe siècle, et il anticipe même les grandes réalisations de Germain Pilon : le gisant du tombeau numéroté 62 a exactement la même posture que la statue de Valentine Balbiani (Paris, Musée du Louvre).

Yves Pauwels (Cesr, Tours) - 2004

Bibliographie critique

J. Androuet du Cerceau, Les trois livres d’architecture : Paris, 1559, 1561, 1582 (édition en fac-similé), Ridgewood N. J., Gregg Press Inc., 1965.

J. Androuet du Cerceau, Les plus excellents bastiments de France..., présentation et commentaires par D. Thomson, Paris, Sand & Conti, 1988 (chronologie documentaire et bibliographie générale p. 310-316).

F. Boudon, « Les livres d’architecture de Jacques Androuet du Cerceau », J. Guillaume (éd.), Les traités d’architecture de la Renaissance, Paris, Picard, 1988, p. 367-396.

M. Chatenet, « Une nouvelle “cheminée de Castille” à Madrid en France », Revue de l’Art, 91, 1991, p. 36-38.

J.-J. Gloton, Renaissance et baroque à Aix et en Provence : recherches sur la culture architecturale dans le Midi de la France de la fin du XIe au début du XVIIIe siècle, Rome, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1979, 1, p. 103.

H. von Geymüller, Les Du Cerceau. Leur vie et leur œuvre d’après les nouvelles recherches, Paris/Londres, Rouam/Wood & Co, 1887.

D. Thomson, Renaissance Architecture. Critics Patrons Luxury, Manchester/New York, Manchester UP, 1993.

D. Thomson, « Les trois Livres d’architecture de Jacques Ier Androuet Du Cerceau, à Paris en 1559, 1561 et 1582 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 449-450.


 

 

Notice

Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes. - A Paris : De l’imprimerie d’André Wechel, 1561. - Titre, 2 p., puis 66 planches gravées sur cuivre ; 41,6 x 28 cm. – In. fol.
Berlin Katalog 2360 ; Geymüller 310 ; Fowler 22.
Certains exemplaires portent en adresse : Imprimé pour Iaques Androuet du Cerceau 1561.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 1598.
*Notes :
- La pagination des planches semble tardive et comprend f. 7, une planche moins aboutie, qui semble ne pas faire partie de l’ensemble (sans doute une ébauche de la planche 6). Son filigrane est d’ailleurs différent et la page de sommaire n’annonce en outre que 20 cheminées et non 21.
- Legs de l’architecte Joseph Le Soufaché à l’École des Beaux-Arts, 1890.