LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Colonna, Francesco
Titre Hypnerotomachia Poliphili...
Adresse Venise, A. Manuce, 1499
Localisation Paris, Ensba, Les 1358
Mots matière Architecture, Jardins

English

     Dans la seconde édition qu’il revoit en 1685 François Blondel commente la liste des ouvrages nécessaires à l’architecte qui conclut l’Architecture françoise de Louis Savot : « Outre les livres d’architecture que cet auteur a nommez, j’estime qu’il n’est pas hors de propos que je rapporte en cet endroit ce qui est venu à ma connoissance en cette matière. Il y a donc premièrement le Livre des Songes de Polyphile, écrit en Italien & traduit en François par Jean Martin avec des figures excellentes en bois : & celuy de l’Amour Parfait, écrit à ce qu’on dit, en Grec par Athenagoras & traduit en François par Mr Fumée. Ce sont deux Romans, où l’on voit la description de plusieurs Edifices somptueux & biens entendus, bâtis suivant la doctrine de Vitruve, & où l’on peut apprendre quantité de belles particularitez & se former de grandes idées pour l’Architecture » (p. 351). Ainsi, près de trois siècles après sa première parution à Venise, chez Alde, l’Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna était-elle encore à l’honneur dans l’esprit du directeur de l’Académie royale d’architecture, qui possédait deux exemplaires de l’ouvrage, l’édition italienne de 1545 et la traduction française de 1554. Rien d’étonnant en soi, même si la culture d’un homme du Grand Siècle français était très éloignée de celle du moine dominicain du couvent des SS. Giovanni e Paolo à Venise. Car l’architecture occupe une place considérable dans le « roman » et les ekphraseis de Colonna (comme du reste celles de Martin Fumée) sont exceptionnellement longues et précises. Elles témoignent, de la part de l’auteur, d’une culture extrêmement moderne pour son temps. Architetto dilettante selon Arnaldo Bruschi, Colonna a peut-être contribué à la porte du chœur de l’église des SS. Giovanni e Paolo à Venise (disparue aujourd’hui). En tout cas, il connaît parfaitement Vitruve, Pline l’Ancien et Alberti, auteurs auxquels il emprunte un lexique architectural encore très neuf en volgare en 1499, et de ce fait parfois un peu imprécis.
Les édifices sont présents tout au long du voyage de Poliphile, plus nombreux et extraordinaires dans la première partie que dans la seconde, où le récit de Polia est mis en scène dans des demeures, cloîtres et « temples » plus proches de la réalité de l’Italie du nord à l’époque. Le grand moment de l’aventure architecturale est sans contexte la description de la Porta triumphans, à l’orée du livre, à laquelle Colonna consacre plusieurs chapitres. Ces pages ancrées dans la tradition « classique » naissante, sont en effet fondées sur l’idée vitruvienne de symmetria, exposant à la manière d’Alberti des lineamenta géométriques qu’il est extrêmement difficile de représenter concrètement sur un dessin (Furno 1994). Alberti inspire aussi le thème et les proportions de l’arc de triomphe. Mais Colonna avait pu en voir un bel exemple réel à l’Arsenal à Venise. En dépit des apparences, de nombreuses formes décrites ont aussi des liens avec la réalité archéologique romaine comme avec la pratique des artistes contemporains, Bramante en particulier.
Du point de vue de l’illustration, l’Hypnerotomachia Poliphili est exceptionnelle : c’est l’un des premiers ouvrages imprimés illustrés de manière cohérente, selon un plan établi par l’auteur lui-même, et avec sans doute des dessins fournis par lui, au moins pour les schémas géométriques ; un autre artiste, probablement vénitien, a dû collaborer pour les scènes figuratives. Cette pertinence et cette qualité graphique n’ont peut-être pas suffi à assurer un grand succès à l’entreprise d’Alde Manuce en Italie, mais elles ont contribué à la célébrité de l’ouvrage en dehors de la Péninsule. La traduction de Jean Martin publiée en 1546, rééditée en 1554 et 1561, et son avatar de 1600 sont les plus connus, mais le livre a été aussi proposé en anglais en 1592 (Hypnerotomachia. The Strife of Love in a Dreame), avec des bois de piètre qualité). Ses images ont inspiré les peintres « romanistes » néerlandais, et quelques-unes ont été reprises par Walter Ryff dans son Vitruvius Teutsch de 1548 – sans qu’il soit possible de déterminer si elles proviennent de l’original italien ou de la version française de 1546.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) - 2011

Bibliographie critique

S. Borsi, Polifilo architetto. Cultura architettonica e teoria artistica nell’ Hypnerotomachia Poliphili di Francesco Colonna, 1499, Rome, Officina Edizioni, 1995.

A. Bruschi, Francesco Colonna. Hypnerotomachia Poliphili, A. Bruschi, C. Maltese, M. Tafuri & R. Bonelli (éd.), Scritti Rinascimentali di Architettura, Milan, Il Polifilo, 1978, p. 145-276.

F. Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, édition critique par G. Pozzi & L. Ciaponni, Padoue, Antenore, 1980 (1963). 2 vol.

F. Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, Introduction, traduction et commentaire de M. Ariani & M. Gabriele, Milan, Adelphi, 1998. 2 vol.

M. Furno, « L’orthographie de la Porta triumphante dans l’Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna : un manifeste de l’architecture moderne », Mélanges de l'École Française de Rome - Italie et Méditérranée, 106, 1994-2, p. 473-516.

S. Heringuez, « L'Hypnerotomachia Poliphili, un recueil de modèles d'architecture pour les peintres flamands du premier tiers du XVIe siècles : Bernard van Orley et la Porta Magna de Francesco Colonna », ArtItalies, La revue de l'Association des historiens de l'art italien (AHAI), 18, 2012, p. 12-17.

L. Lefaivre, Leon Battista Alberti’s Hypnerotomachia Poliphili. Re-Cognizing the Architectural Body in the Early Italian Renaissance, Cambridge (Mass.)/Londres, MIT Press, 1997.

G. Pozzi & M. T. Casella, Francesco Colonna, biografia ed opere, Padoue, Antenore, 1959.

 

 

Notice

Poliphili Hypnerotomachia, ubi humana omnia non nisi somnium esse ostendit, atque obiter plurima scitu sane quam digna commemorat / (F. Columnae, edente L. Crasso) – Venise : Alde Manuce, 1499.
In-fol., 232 f., sign. [*4] a-y8 z6 A-E8 F6.
Variantes : ff. 1 et 4 = GW, diffère de GW, Anm. 1 ; f. a1r° = GW, diffère de GW, Anm 2 ; ff. a2/a7 = Bühler var. A (erreur corrigée au f. a2) ; ff. u4r° et u5v° = Harris p. 246 (original setting) ; f. z6r°, l. 37 : erreur «... diaspre di // » = BnF Rés. Y2. 210 ; f. C6r°= Harris p. 258 ; f. C7v° = Harris p. 254 ; f. F1r° = Harris p. 262 ; f. F1v°= Harris p. 266.
Hain-Copinger 5501. GW (+ Accurti II) 7223. Pellechet 3867. CIBN C-523. CRI I 474. CRI II 147. CRI III 282. CRI VI 649. CRI VII C-12. CRI VIII 156. CRI X 235. CRI XI 352. CRI XIII 711. Goff C-767. BMC V 561. C. Bühler, « Newly discovered variant settings in the Hypnerotomachia Poliphili », dans Festschrift für Claus Nissen, Wiesbaden, 1973, p. 36-42. N. Harris, « Nine reset sheets in Aldine Hypnerotomachia Poliphili (1499) », in Gutenberg-Jahrbuch 2006, p. 245-275. Sander 2056. Essling 1198. ISTC ic00767000.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 1358.
*Notes :
- Figures priapiques intactes.
- Reliure de maroquin rouge orné, dentelle intérieure, signée Lortic, XIXe siècle, 30,7 x 22 x 4,2 cm.
- Fer à la colonne ionique et au nom « Lesoufaché Architecte » doré au centre des plats, avec son ancienne cote au crayon, rayée, « B II 133 » au recto du 1er feuillet.