LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Palladio, Andrea
Titre I quattro libri dell’architettura...
Adresse Venise, D. De Franceschi, 1570
Localisation Paris, Ensba, Les 1338
Mots matière Antiquités, Architecture privée, Ordres
Transcription du texte

English

     Le traité que publia Palladio en 1570 fut le couronnement de sa vie : l’obscur tailleur de pierre originaire de Padoue est devenu l’une des grandes figures du Cinquecento. L’ouvrage, théorique et pratique, l’un des plus complets jamais écrits, traite des ordres (livre I), des édifices privés construits par l’Italien (livre II), des édifices publics, routes et ponts (livre III) et des temples antiques (livre IV). Il est abondamment et superbement illustré de xylographies qui ne le cèdent en rien aux cuivres de Vignole. L’auteur est un architecte reconnu, au fait des développements les plus récents de l’art de bâtir, mais aussi un humaniste, familier du De architectura de Vitruve, qui possède une remarquable culture archéologique acquise lors de plusieurs séjours à Rome, ainsi qu’une bonne connaissance de l’architecture contemporaine.
Palladio consacre la grammaire de l’ornement classique ou théorie des ordres, exprimée par Serlio, mise au point par Philandrier et formulée par Vignole. Dans ce domaine fondamental, il se distingue des théoriciens antérieurs sur certains points (entrecolonnement spécifique à chaque ordre, nouvelles proportions pour l’ordre corinthien, procédé original pour tracer le tailloir des chapiteaux de l’ordre corinthien). En pendant de la version vitruvienne, il donne des variantes de bases et chapiteaux jugées plus harmonieuses (ordre toscan). Surtout, il personnalise ses ordres par une plinthe de base caractéristique, creusée en cavet, ou par l’adjonction d’une baguette supplémentaire sur certaines bases.
Mais la véritable originalité du traité est due à la présence des œuvres de Palladio (Livre II), maisons privées construites dans la campagne de la Terra ferma pour les aristocrates vénitiens et vicentins (villas Rotonda, villa Maser...) ou à Vicence (palais Chiericati, palais Thiene, palais Valmarana...). Les plans et élévations de certaines villas et palais sont d’autant plus précieux que la plupart des projets ne furent pas menés à terme ; à cette réserve que Palladio idéalise encore les plans gravés (palais Valmarana, à Vicence).
Dans le livre III, Palladio aborde les ouvrages publics. Il y fait preuve d’érudition, citant à propos des ponts et des édifices antiques César, Tacite ou Tite-Live, en même temps que d’invention, avec le projet d’un magnifique pont de pierre pour le grand Canal de Venise, ou celui, réalisé, de la basilique de Vicence ; ils sont présentés comme l’interprétation moderne des édifices antiques.
Le livre IV, le plus illustré du traité, est une sélection des temples les plus remarquables de Rome et de ses alentours (Tivoli), de ceux d’Italie (Naples, Trévi, Assise) et hors d’Italie (Pola, Nîmes). Comme Serlio dans le Terzo libro, il fait figurer aux côtés des édifices les plus prestigieux de Rome (temples de la Paix, de Mars Ultor, de Jupiter Stator, du Panthéon...) le parangon moderne de la bonne architecture, le tempietto de Bramante à San Pietro in Montorio.
La qualité des plans et des élévations est remarquable. Mais il faut surtout souligner la clairvoyance archéologique de Palladio qui sut lire les vestiges les grands temples quadrangulaires (temple de Mars Ultor, temple d’Antonin et Faustine, temple du Soleil et de la Lune, temple de Sérapis...). Cette familiarité avec l’architecture romaine l’amène parfois à des corrections très significatives, dont témoigne le cas de la Maison carrée de Nîmes, que Palladio n’a jamais vue : s’inspirant des relevés détaillés de Jean Poldo d’Albenas (Discours historial de la ville de Nîmes, Lyon, 1559), il les modernise par des profils et des projections orthogonales, et surtout les complète grâce à sa connaissance profonde de l’architecture religieuse du début de l’Empire.
Contrairement au Quarto libro de Serlio, capital pour le développement de la Renaissance européenne, et de la Regola de Vignole, dont le succès ne se démentit pas en France, et plus généralement en Europe au XVIIe siècle, les Quattro libri eurent une influence limitée et spécifique. En effet le livre I a suscité un grand intérêt : il fut traduit en espagnol en 1625 et vingt ans plus tard Pierre Le Muet en donna une version revue et corrigée « à la française », proposée sous un petit format (8°) qui en fit un manuel commode pour les praticiens. Comme son petit Vignole (Paris, 1632), le Palladio à l’usage des Français rencontra un vif succès : il connut des contrefaçons en Hollande (1646, 1679, 1682), il fut aussi traduit en hollandais (1646) et en anglais tout au long du siècle (1663, 1668, 1676, etc.). On sait le profit qu’Inigo Jones tira de la lecture des Quattro libri dans son œuvre architecturale. En 1650 Fréart de Chambray publia une traduction intégrale.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2006
Révision 2011

Bibliographie critique

K. Anderson, Inigo Jones and the Classical Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.

P. Gros, Palladio e l’antico, Venise, Marsilio, 2006.

F. Lemerle (éd.), Andrea Palladio Les quatre livres de l’architecture d’Andrea Palladio, Paris, Flammarion, 1997, p. I-XI (rééd. : Paris, Flammarion, 2002).

F. Lemerle, « L’Accademia di architettura e il trattato di Palladio (1673-1674) », Annali di architettura, 12, 2000, p. 117-122.

F. Lemerle, « À propos des trois planches de Palladio insérées par Fréart de Chambray dans sa traduction des Quattro libri », Annali di architettura, 9, 1997, p. 93-96.

F. Lemerle, « À l’origine du palladianisme européen : Pierre Le Muet et Fréart de Chambray », Revue de l’art, 178, 2012-4, p. 43-47.

F. Lemerle & Y. Pauwels, Architectures de papier. La France et l’Europe (XVIe-XVIIe siècles), Turnhout, Brepols, 2013, p. 116, 141, 144-145.

L. Magagnato, Introduction à A. Palladio, I quattro libri dell’architettura, L. Magagnato et P. Marini (éd.), Milan, Il Polifilo, 1980, p. XI-XLVI.

C. Mignot, « Palladio et l’architecture française du XVIIe siècle, une admiration critique », Annali di architettura, 12, 2000, p. 107-115.

G. Beltramini, H. Burns, K. W. Forster, W. Oechslin, C. Thoenes (éd.), Palladio nel Nord Europa. Libri, viaggiatori, architetti, Milan, Skira, 1999.

L. Puppi & D. Battiloti, Andrea Palladio, Milan, Electa, 2006.

R. Wittkower, Palladio and english Palladianism, Londres, Thames and Hudson, 1974 (éd. it. : Turin, Einaudi, 1984 ; 1995).


 

 

Notice

I quattro libri dell’architettura di Andrea Palladio. Ne’quali, dopo un breve trattato de’cinque ordini, e di quelli avertimenti, che sono piu necessarii nel fabricare, si tratta delle case private, delle vie, dei ponti, delle piazze, dei xisti et de’ tempii. Con privilegi. - In Venetia : Appresso Dominico de’Franceschi, 1570. - 67- [1], 78 (numérotée par erreur 66)-[2], 46-[2], 128-[8] pages, signatures : 1er livre, A2 B-I4 ; 2e livre, AA-kk4 ; 3e livre, AAA-FFF4 ; 4e livre, AAAA-RRRR4 (FFFF signé par erreur EEEE) ; 221 illustrations provenant d’au moins 230 bois. Chacun des trois derniers livres a sa propre page de titre, reprenant la mise en page initiale.
Berlin Katalog 2592 ; Cicognara 594 ; Fowler 212 ; RIBA 2383.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 1338.
*Notes :
- Mentions manuscrites en plusieurs endroits (écriture du XVIIIe siècle).
- Reliure de maroquin vert d’époque Empire, aux plats ornés d’une roulette de palmes, à dos long comprenant deux pièces de titre en maroquin rouge. 30,5 x 21 cm.

- Ex-libris gravé « Della biblioteca Rossi » portant la mention manuscrite « A.L. 1824 » collé sur la page de garde, ainsi que l’ex-libris de l’architecte Joseph Le Soufaché, qui le légua avec sa collection à l’École des Beaux-Arts en 1889.