LES LIVRES D’ARCHITECTURE


Notice détaillée

Auteur(s) Serlio, Sebastiano
Titre
Il settimo libro d’architettura... Architecturæ liber septimus...
Adresse Francfort-sur-le-Main, A. Wechel & J. Strada, 1575
Localisation Paris, Ensba, Gonse 479
Mots matière Architecture privée
Transcription du texte

English

     En 1575 Jacopo Strada (1515-1588) fit paraître à Francfort le Settimo libro d’architettura de Sebastiano Serlio en édition bilingue (italien et latin) chez l’imprimeur-libraire huguenot André Wechel, qui venait de s’installer en Allemagne après avoir échappé au massacre de la Saint-Barthélemy. L’antiquaire et architecte impérial rappelle dans la préface comment il avait obtenu que Serlio, rencontré à Lyon en 1550, lui vende le matériel du dernier livre du traité global qu’il avait projeté et dont il avait déjà publié les cinq premiers (1537, 1540, 1545, 1547). Strada l’acquit avec les manuscrits du Livre VI et de la Castramétation des Romains selon Polybe. Serlio, en France depuis l’automne 1541, s’était installé à Lyon après la mort de François Ier et le départ de son protecteur Hippolyte d’Este afin d’achever la publication de son traité. C’est dans ces conditions précaires que, désespérant de voir aboutir le projet de son vivant, il avait accepté l’offre de Strada. En 1552 il avait achevé la rédaction du texte et dessiné toutes les illustrations du Livre VII. L’année suivante Strada payait l’ensemble « une jolie somme d’argent », selon ses propres termes. Le Livre VII, assurément le plus technique, est donc le dernier sur lequel a travaillé Serlio qui allait mourir peu de temps après, épuisé par ses travaux (Jansen 1989, 2004). L’ouvrage est la dernière réflexion menée sur le métier d’architecte, sujet abordé de façon ponctuelle par les théoriciens, et sur les divers types de réponses à apporter à un certain nombre de contraintes (site, environnement, restauration et modernisation d’édifices plus ou moins récents). C’est l’occasion de proposer aux professionnels en mal d’inspiration un ensemble de solutions appropriées.
Le contenu du Livre VII est assez hétérogène, Serlio n’ayant pas complètement fini de revoir son manuscrit à l’époque lorsqu’il le vendit à Strada – la version préparatoire est aujourd’hui conservée à Vienne (Österreichische Nationalbibliothek, Cod. Ser. Nov. 2649) – mais les illustrations étaient déjà prêtes (Fiore & Carunchio 2004). Elles ont été gravées sur bois à Venise. Le texte a été revu pour l’édition par Mino Celsi (1514-1575), célèbre exilé siennois protestant, puis révisé juste avant l’impression par un certain « Dottor Mantuano », d’où certaines différences avec le manuscrit : le texte imprimé est augmenté et son contenu a été réorganisé. La dernière partie de l’ouvrage consacrée aux villas a été ainsi enrichie de nouveaux exemples. La traduction latine du texte italien de Serlio est peut-être due au marquis d’Oria, Giovanni Bernardino Bonifacio, exilé protestant à qui Strada avait commandé la traduction du livre sur la castramétation.
L’ouvrage s’ouvre sur les tables des matières en italien et latin (« Breve narratione delle cose che sono nel settimo libro »/« Brevis eorum expositio, quæ in hoc loco septimo libro afferuntur »), suivies d’une dédicace à Wilhelm von Rosenberg, chef d’une puissante famille de Bohême, de l’avis aux lecteurs de Strada (italien-latin), du privilège de l’empereur Maximilien (en latin) et de celui du roi de France Charles IX (en français). Désormais le texte est présenté sur deux colonnes (en caractères italiques pour l’italien, romains pour le latin). Après une brève introduction d’une page, Serlio propose vingt-cinq modèles de demeures (vingt-quatre villas et un palais) (ch. 1-25), qui sont dans la droite ligne de son Livre VI, resté inédit. Dans les chapitres 26 à 39 il propose une série d’ornements (cheminées, fenêtres, lucarnes, jubés, portes fortifiées). Il envisage ensuite treize « accidents » qui peuvent surgir au cours de la construction (ch. 40-54). Après ces accidents, qui sont autant d’occasions de développer ses propres modèles, Serlio envisage les sites irréguliers (ch. 55-75), proposant une série de sept plans et d’élévations de demeures urbaines, qui obéissent aux règles de la bonne architecture, l’« architettura giudiciosa », qui adopte les principes de symétrie, des proportions adéquates et un décor à l’antique. Il complète la série par des sites difficiles, hors de la ville, avec des édifices étagés qui utilisent au mieux les ressources en eaux vives (ch. 64, 65, 69).
Le quotidien des architectes, même les plus prestigieux, est, Serlio l’a bien mis en évidence, de restaurer et de moderniser des édifices existants plus ou moins anciens. À la Renaissance on bâtit rarement ex nihilo. Il est aussi courant de réutiliser les matériaux disponibles. Dans le Livre VII Serlio théorise donc sa propre expérience qu’il illustre par un certain nombre de ses projets : salle de bal de Fontainebleau (ch. 40-41), loge du Change à Lyon (ch. 73), château de Lourmarin (dernière partie, ch. 2). On peut voir dans les décors un goût affirmé pour le capriccio, l’originalité, l’exubérance et la sophistication jusqu’à la bizarrerie caractéristique du style tardif de Serlio dans la lignée du Livre extraordinaire (Frommel 2002).
Le Livre VII eut une répercussion immédiate. Le modèle de la treizième des vingt-quatre maisons à construire à la campagne fut utilisé par Marcantonio Pasi pour le projet du palais ducal de Mesola pour Alphonse II d’Este, réalisé entre 1583 et 1586 (Scotti 2004). Confronté à la tradition architecturale française, l’Italien a créé des modèles qui inspirèrent les architectes et séduisirent les commanditaires de l’Europe entière.
Les six projets de palais qui figurent à la fin de l’ouvrage avec une numérotation propre (ch. 1-6) ont été ajoutés par Jacopo Strada pour étoffer le manuscrit original : ils sont de Serlio comme l’indique le frontispice (« Ad finem adiuncta sunt sex palatia, ichnographia & orthographia variis rationibus descripta, quæ ruri à magno quopiam Principe extrui possint. Eodem autore... »). Strada ne fut pas entièrement satisfait de l’édition (caractères peu élégants, papier de qualité médiocre, bois endommagés pour certains lors du transport de Venise à Francfort). L’exemplaire de l’Ensba présente le premier état où le titre italien précède le titre latin (Vène 2007, p. 120).
Au XVIIe siècle Serlio fut peu utilisé en France, supplanté par Vignole, Palladio et Scamozzi. Toutefois Jean-François Félibien (c1658-1733), fils aîné du secrétaire de l’Académie, est l’auteur d’une traduction du Livre VII qu’il présenta à l’Académie royale d’architecture le 18 février 1680 (Procès verbaux, 1, p. 274). Elle ne fut jamais publiée. Serlio était définitivement passé de mode.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2014

Bibliographie critique

J. B. Bury, « Serlio. Some bibliographical notes », C. Thoenes (éd.), Sebastiano Serlio, Milan, Electa, 1989, p. 92-101.

M. Carpo, Metodo ed ordini nella teoria architettonica dei primi Moderni. Alberti, Raffaello, Serlio e Camillo, Travaux d’Humanisme et Renaissance, 271, Genève, Droz, 1993, p. 87-91.

T. Carunchio, « Le manuscrit du Settimo Libro conservé à Vienne », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon, Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 194-197.

T. Carunchio, « Le Settimo Libro, Francfort-sur-le-Main, 1575 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio 2004 cit., p. 198-201.

W. B. Dinsmoor, « The Literary Remains of Sebastiano Serlio », The Art Bulletin, 24, 1942, p. 77-83.

F. P. Fiore & T. Carunchio (éd.), Sebastiano Serlio, Architettura Civile, Libri Sesto, Settimo e Ottavono nei manoscritti di Monaco e Vienna, Milan, Il Polifilo, 1994, p. 247-485.

F. P. Fiore, L’architettura. I libri I-VII e Extraordinario nelle prime edizioni, Milan, Il Polifilo, 2001, vol. 2 (fac-similé).

S. Frommel, Sebastiano Serlio architecte de la Renaissance, Paris, Gallimard, 2002, p. 356-359 (1ère éd. : Milan, Electa, 1998).

V. Hart & P. Hicks (éd.), Sebastiano Serlio on Architecture, Books VI and VII of ‘Tutte l’opere d’architettura et prospettiva’ with ‘Castrametation of the Romans’ and ‘The extraordinary Book of Doors’ by Sebastiano Serlio, New Haven & Londres, Yale UP, 2001, p. 157-385 (trad. angl.).

D. J. Jansen, « Jacopo Strada editore del Settimo libro », C. Thoenes (éd.), Sebastiano Serlio 1989 cit., p. 207-215.

D. J. Jansen, « Le rôle de Strada comme éditeur du Settimo libro de Serlio », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio 2004 cit., p. 177-184.

D. J. Jansen, « Le catalogue d’éditeur de Jacopo Strada », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio 2004 cit., p. 185-187.

F. Lemerle, « Architecture et accidents », communication au colloque international Hasard et providence, Tours, Cesr, 3-8 juillet 2006.

H. Lemonnier(éd.), Procès verbaux de l’Académie d’Architecture (1671-1681), Paris, Jean Schemit, 1911.

A. Scotti, « Un exemple de la fortune du Settimo libro à l’époque baroque : la villa en forme de moulin à vent de Serlio », dans S. Deswarte Rosa (éd.), Sebastiano Serlio 2004 cit., p. 205-210.

M. Vène, Bibliographia serliana. Catalogue des éditions imprimées des livres du traité d’architecture de Serlio (1537-1681), Paris, Picard, 2007, p. 119-120.


 

 

Notice

Il settimo libro d’architettura, di Sebastiano Serglio [sic]... Nel qual si tratta di molti accidenti che possono occorrere al architetto... Nel fine aggiunti sei palazzi... in diversi modi fatte, per fabricar in villa per gran principi. Del sudetto autore, italiano e latino. Sebastiani Serlii,... Architecturæ liber septimus in quo multa explicantur quæ architecto variis locis possunt occurrere... Ex musæo Jac. de Strada, Francofurti ad Moenum : ex off. A. Wecheli, 1575.
28 ff. paginés : [1] 2-12, 1-243 [1] : signatures a6, A-Z4, Aa-Ff4 Gg6 ; 2 marques d’André Wechel au titre et au verso du dernier feuillet, lettrines, 1 cul de lampe, 1 bandeau et figures gravées sur bois, in-folio.
Précédé d’une épître dédicatoire en latin, d’une lettre aux lecteurs en latin et en italien signées J. Strada. Le privilège impérial est daté de 1574, celui de Charles IX de 1572.
Berlin Katalog, 2568 ; Fowler 326 ; Vène 2007, n° 47.
Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, Gonse 479.
*Notes :
- Reliure de maroquin rouge portant un décor de quatre plaques d’angle arabisantes (italienne du XVIe siècle ?), 38,5 x 26 cm.
- Ex-libris, gravé par M. Göndolach, de Ferdinand Hoffman, Baron von Grünpühel und Strecau.
- Legs d’Henriette Gonse à l’Ensba, 2005.