LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Fréart de Chambray, Roland
Titre Idée de la perfection de la peinture...
Adresse Le Mans, J. Ysambart, 1662
Localisation Gand, Universiteits Bibliotheek, BIB.ACC.028378
Mots matière Peinture
Transcription du texte

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     Poussin, proche de la fratrie des Fréart, en particulier du cadet Chantelou à qui l’on doit l’inestimable correspondance avec le « peintre philosophe », remercia Roland Fréart de Chambray de l’envoi de son Idée de la perfection de la peinture dans une lettre de 1665 : « je me réjouis de ce que vous étiez le premier en France qui aviez ouvert les yeux à ceux qui ne voyaient que par les yeux d’autrui... ». Depuis, l’Idée fut souvent considérée comme le premier traité théorique proprement dit de la peinture en France, les écrits précédents ou ceux de contemporains tels Hilaire Pader, Abraham Bosse, l’abbé de Marolles, Félibien ou encore Dufresnoy ne présentant pas ses qualités systématiques et doctrinales. Il est vrai qu’aucun autre avant Chambray n’avait poussé aussi loin le projet de jeter les fondements intellectuels de la peinture, d’établir ce qui est permanent et universel dans le flou de la création picturale, et de forger par là-même des outils efficaces pour une critique des œuvres.
Âgé de 56 ans quand il rédige son traité, Fréart de Chambray n’en est pas à son premier essai, ayant déjà publié les traductions de Palladio (1650) et du Traité de la Peinture de Vinci (1651). Il publiera l’année suivante La perspective d’Euclide. Il n’est pas non plus un inconnu dans le monde de l’art, même si, lorsqu’il rédige en 1662, il y a fort longtemps qu’il s’est retiré au Mans, le berceau de sa famille, où il a trouvé refuge en 1645 après la mort de Richelieu et la disgrâce du ministre le plus puissant du grand cardinal, Sublet de Noyers, parent des trois Fréart, qui les avait employés comme commis. Leur plus grande réussite fut d’avoir amené Poussin à Paris, qui y resta de décembre 1640 jusqu’en septembre 1642, séjour important certes, mais qui, court et contrarié par d’innombrables difficultés et intrigues, ne réussit pas à jeter les bases d’une nouvelle école de peinture en France dont Poussin aurait pris la tête, comme l’espéraient les Fréart.
Le contexte historique dans lequel Chambray compose et publie son traité est hautement significatif : le monde de l’art est en train de changer, après la mort de Mazarin (9 mars 1661), dont l’emprise sur les arts était imprégnée de son goût pour le luxe et qui était dépourvu de la « vraie connaissance » selon Chambray, lequel par ailleurs avait participé à la Fronde au Mans et publié ses œuvres sur l’architecture à cette période. Avec la prise de pouvoir personnel de Louis XIV, avec le retour de la paix, avec la chute de Fouquet et l’arrivée de Colbert aux affaires, le monde de l’art se mit en mouvement : l’Académie de peinture profita d’une occasion qui se présenta à l’été 1661 pour gagner Colbert comme vice-protecteur ; parallèlement, Le Brun, très apprécié du ministre revient au sein de l’Académie. C’est précisément cette année là, riche en événements prometteurs, que Chambray travaille à son Idée, s’adressant aux « vrais amateurs de la peinture », avec probablement le secret désir de les trouver ou de les former parmi les gens de la cour : au début de l’Avertissement au lecteur, avant d’expliquer quelques termes d’art afin d’instruire « ceux qui ont de l’amour pour la peinture et qui en voudraient parler comme savants avec ceux de la profession », Chambray révèle que son « dessein était d’[exposer son traité] principalement aux yeux de la cour ».
Bien que la période eût semblé propice – l’équipe de Vaux est transférée aux chantiers royaux après la chute de Fouquet (septembre 1661), l’Académie royale de peinture est réformée, et Colbert réunit dès février 1663 la Petite académie, dont la principale tâche devait être d’œuvrer à tout ce qui concernait la gloire de Louis XIV –, l’on ne fit pas appel au théoricien du Mans. Colbert installa Charles Perrault auprès de lui comme commis, et le promut secrétaire de la Petite académie ; et à l’Académie royale, c’est Félibien qui fut introduit, soutenu par Le Brun (lequel venait de conquérir le roi en peignant Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre en 1661-1662).
De fait Colbert, Le Brun et Félibien sont de treize ans les cadets de Chambray, Charles Perrault de vingt-deux ans. Le décalage en ce qui concerne la pensée de l’art et la société dans laquelle il s’exerce – sans parler de la peinture elle-même, rarement aussi brillante au Grand Siècle (La Hyre, Stella, Bourdon, Le Sueur, créent leurs œuvres majeures dans les années 1650) – ne semble pas des moindres : une théorie sourcilleuse et ergoteuse, écrite non sans aigreur, qui laisse transpercer le moraliste de province donneur de leçons, pouvait difficilement plaire aux milieux raffinés de la cour et de la ville, encore moins à un pouvoir attendant de ses équipes artistiques des discours encomiastiques. Or la première accusation lancée par Chambray est dirigée contre les arts de son temps, que le milieu flatteur dont ils étaient entourés aurait corrompus : les génies des artistes s’y seraient trouvés détournés de leurs vraies finalités, transformés en flatteurs eux-mêmes. Ainsi, les deux parties, les artistes et leur public, auraient eu besoin d’une prise de conscience et d’une réflexion sur l’essence de l’art de peindre. « Le temps d’Apelle n’est plus », constate Chambray, la peinture serait séparée de ses grandeurs antiques par des siècles de déchéance constante – qu’il appelle ailleurs « gothiques » –, déchéance expliquée soit par la « négligence », soit par l’oppression « sous la tyrannie des mauvais règnes ».
Le programme restaurateur de Chambray n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Descartes, avec son renvoi au « jugement naturel » et au « sens commun », avec ses recherches des principes raisonnés fondamentaux, fondés sur une « science démonstrative » à la « manière de géomètres » et prétendant à l’universalité, ses combats contre les erreurs et le dépassement des données simples de la nature visible. Cependant, Chambray ne saurait tolérer l’ombre du doute, fût-il méthodique, et il n’hésite pas à se réclamer des autorités, surtout de celle de Franciscus Junius dont le De Pictura veterum (1637) lui fournit les principales catégories pour ses démonstrations – ce sont d’ailleurs plutôt les Anciens qui les lui fournissent, le De Pictura de Junius étant un compendium quasi complet des sources antiques sur l’art. En effet, le discours sur l’art du dehors à cette époque en France, qui ne dispose pas d’une tradition propre, doit en trouver une justification proportionnelle à la revendication de l’universalité de ses principes. C’est à l’autorité des artistes que fit d’abord appel Chambray en convoquant Poussin et Léonard de Vinci lorsqu’il édita le Traité de ce dernier, le destinant à devenir « la règle de l’art » et « guide de tous les vrais peintres ». L’Idée a fondé sa justification sur l’autorité de l’Antiquité, référence absolue, essentiellement littéraire, et c’est Pline qui lui fournit la matière pour les descriptions d’œuvres, anecdotes et légendes d’artistes, autant de leçons et de préceptes éthiques et esthétiques. S’agissant de valeurs abstraites et atemporelles – le désintéressement, la soumission au jugement du public, le constant souci de perfectionnement technique et intellectuel, l’observance des règles de la géométrie et de la perspective, la recherche constante du spirituel dans l’art –, Chambray peut se passer d’exemples concrets de la peinture antique. Ce qu’il retient, hormis la moralité de l’artiste antique, c’est surtout la rigueur avec laquelle celui-ci aurait observé les règles et les lois de la peinture, et son ingéniosité dans la représentation des concepts abstraits. Tout au long de l’Idée, Chambray n’aura de cesse de rappeler au lecteur que la peinture est « toute spirituelle » et qu’elle s’ouvre à la raison seule et aux « vrais savants ». Ainsi, l’exemple privilégié est celui du peintre grec Timanthe, qui, ayant à représenter les divers degrés de la douleur morale dans son Sacrifice d’Iphigénie, pour peindre le personnage qui devait exprimer le chagrin suprême, s’abstint de la représentation et couvrit son visage d’un voile. Tout est représentable sans exagérations grotesques ni indécentes, si l’esprit prend la relève et parle « aux yeux de l’entendement », après que l’art ait trouvé ses limites en appelant aux « yeux du corps ». En cela les Apelle et les Timanthe ne seront jamais surpassés par les Modernes, car du point de vue technique, du coloris, de la régularité de la perspective, des proportions justes, « ni de tout le reste du mécanique de l’art », ils n’auront aucun avantage. C’est la supériorité morale et intellectuelle des peintres grecs, attestée par les écrits de Pline, Quintilien et Philostrate, qui confère autorité à l’exposé théorique de Chambray. Soucieux de déceler les principes fondamentaux de la peinture antique et habilité par cette autorité, il applique ces mêmes principes aux peintures modernes, afin d’en distinguer les bonnes des mauvaises.
Les principes fondamentaux que les Anciens auraient observés, et que Chambray trouve dans De pictura de Junius, sont au nombre de cinq : l’invention, la proportion, la couleur, les mouvementset la collocation. L’invention est définie comme « le génie d’historier et de concevoir une belle idée sur le sujet », la proportion, comme « symétrie ou correspondance du tout avec ses parties ». La couleur se voit vite déconnectée de sa nature propre, pour devenir « science de l’ombre, et des lumières », laquelle « science » serait une branche de la perspective. Les mouvements, ou « expression des mouvements de l’esprit », donnent vie aux figures. Reprenant le vieil adage « tout peintre se peint lui-même dans ses tableaux », considérant les œuvres comme « miroirs du tempérament [...] et du génie » de l’artiste, Chambray fait des mouvements le pivot de ses attaques contre les artistes licencieux. C’est à cet endroit que s’annonce la critique de Michel-Ange, « rustique et malplaisant », qui n’aurait « aucun égard à la bienséance », critique développée plus loin avec une extrême violence et opposée au caractère « modeste » de Raphaël. Le glissement d’un examen objectif de l’observation des principes, ici l’expression des passions, vers un jugement moral ad hominem, est presque imperceptible tant il est immédiat. Ce glissement est surtout fondamental pour l’esprit et la méthode de la critique de Chambray, dont les principes, passant d’une règle à son application, d’une variable à ses valeurs, changent de nature et de dispositions formelles deviennent des impératifs éthiques.
Le dernier des cinq principes de Chambray est appelé collocation, ou position régulière des figures dans le tableau. Tous les principes précédents y sont convoqués : le sujet bien pensé, rendu par des figures expressives posées à leur juste place selon les règles de la perspective et des proportions. Selon l’auteur, on pourrait définir la collocation comme un ordre général de l’œuvre, « père de la beauté », qui donne à la peinture un « rang parmi les sciences ». L’ordre, c’est avant tout la justesse des places, des proportions et des expressions des personnages, correspondant à leurs rôles dans l’histoire que représente l’œuvre. Ainsi, l’œuvre est un tout, où tout se tient et où tout peut être jugé à partir de la finalité de la composition, c’est-à-dire de l’intention précise et adéquate au sujet. Il ne s’agit pas tant d’une technique, d’un procédé artistique, que d’un composé où la partie intellectuelle l’emporte dans la mesure où chaque élément doit pouvoir justifier sa forme et sa place du point de vue de l’idée centrale de l’œuvre. De là la longue et cuisante invective de Chambray contre Vasari pour son interprétation de l’École d’Athènes de Raphaël. Comment, en effet, analyser et juger équitablement l’œuvre de Raphaël, lorsqu’on se méprend sur son sujet au point de l’identifier à une scène tirée des Actes des Apôtres ?
Mais la partie la plus étonnante, sans précédent dans la littérature artistique française, est celle consacrée aux analyses critiques des œuvres des maîtres modernes. Quatre compositions de Raphaël en font partie : le Jugement de Pâris, le Massacre des Innocents, la Descente de la Croix et l’École d’Athènes, ainsi que le Jugement dernier de Michel-Ange. Il s’agit en réalité de gravures d’après les œuvres des maîtres, ou d’après leurs inventions, Chambray conseillant au lecteur de s’en procurer les reproductions afin de pouvoir suivre son argumentation : la gravure entre dans l’horizon du raisonnement démonstratif du théoricien, élément considéré par Chambray infiniment supérieur à toute description ecphrastique, fût-elle composée par un Philostrate. Il est manifeste que cet appui sur la composition linéaire favorise les partis pris intellectualistes, que Chambray renforce davantage en y associant une nouvelle catégorie, le costume, qu’il dit être le « centre de la perfection de la peinture » et à laquelle il consacre presque la moitié de son traité, l’expliquant et traitant de ses bonnes ou mauvaises applications. Le costume, apparenté à la convenance et au décorum d’origine antique, tout aussi important pour les théoriciens et rhétoriciens italiens depuis la Renaissance, se compose pour Chambray de l’invention et de l’expression, les deux éléments les plus spirituels de ses cinq principes. Dimension la plus authentiquement intellectuelle de la peinture, le costume peut être saisi d’une part comme l’adaptation parfaite d’une œuvre à son lieu, et d’autre part, comme l’adéquation de chaque partie de l’œuvre au sujet représenté. Ne souffrant aucun écart par rapport aux lois de la convenance, le costume « est à proprement dire un style savant, une expression judicieuse, une convenance particulière et spécifique à chaque figure du sujet qu’on traite ».
Sont ainsi passées au crible du costume les œuvres de Raphaël, chez qui, à quelques détails près, tout est « extraordinairement bien pensé » et « raisonnable » ; des écarts importants sont en revanche relevés chez Dürer, qui peint un saint Joseph avec un chapelet, et une Vierge avec à côté un singe, le plus ridicule et le plus vicieux des animaux. La critique devient d’une violence extrême, même comparée aux antécédents, notamment italiens du côté de la Réforme catholique, avec Michel-Ange, « cet antagoniste des peintres anciens, et le coryphée de tous les Modernes » qu’il aurait corrompus, « ce téméraire et très ridicule compétiteur, qui n’a pas le moindre talent de peintre » : l’on ne serait pas surpris d’apprendre que si ce que rapporte Roger de Piles (1699) sur la destruction de la Léda de Michel-Ange par Sublet de Noyers pour cause d’indécence (l’œuvre se trouvait à Fontainebleau au temps du ministre de Richelieu) était vrai, cette décision aurait été inspirée à ce dernier par son secrétaire et parent Chambray.
Enfin, le costume sert aussi à Chambray à ériger Nicolas Poussin comme le parangon des artistes vivants. Poussin, « le plus achevé et le plus parfait de tous les Modernes », un « autre Timanthe », auquel seul Dominiquin aurait pu être comparé. Présenté par le biais de la série des Sept Sacrements, propriété de son frère Chantelou, Poussin, fait dans l’Idée l’objet d’une apothéose, qui, dans l’esprit de Chambray, n’est pas un éloge mais une démonstration raisonnée.
L’Idée de la perfection de la peinture est conçue comme un manuel à l’attention de qui chercherait des critères solides propres à distinguer la « vraie » de la « fausse » peinture - Chambray évoque aussi, significativement, ces artistes qui prennent « le masque de l’apparence » au lieu de « se donner [de] la peine pour acquérir et posséder [...] la chose même ». Mettre ces derniers à l’épreuve de ses principes, les démasquer, est un objectif dont l’Idée ne se prive pas de donner des exemples : outre Michel-Ange, leur ancêtre, sont visés les artistes « libertins », c’est-à-dire ceux qui rejettent tout assujettissement aux règles et à l’étude des fondements de l’art, soit « le parti révolté des cabalistes ». Ils pratiquent une peinture qui plaît spontanément, mais de manière superficielle et passagère, séduisant les sens par « le fard » et « des couleurs ». Se trouvent réunis dans cet opprobre des artistes aussi différents que Primatice et Véronèse, Parmesan et Tintoret, le Cavalier d’Arpin et Lanfranco, « et d’autres semblables maniéristes ».
Une tâche essentielle que s’est imposée Chambray dans l’Idée était de soustraire la peinture à toute approche subjective, que ce soit du côté de la production ou de celui du goût. À cette place est érigé l’idéal de l’étude systématique des principes et de l’analyse prétendant à l’objectivité, méthodique et rigoureuse. À la limite, son Idée se passerait volontiers des peintures réelles, dans la mesure où elles opposent toujours un obstacle sensible à l’analyse conceptuelle. L’introduction de la gravure comme fondement de la connaissance de l’œuvre, au détriment de la description ecphrastique, est concomitante chez Chambray à la critique du jargon des amateurs, dont les termes comme « morbidesse des carnations », « furie de dessin », « franchise de pinceau », « touches hardies », « coups de maîtres » et autres « beautés chimériques » se rapportent à des sentiments. Héritées de l’Antiquité et de la tradition rationaliste de la Renaissance italienne, les catégories de Chambray sont ressoudées pour former une théorie militante et critique, pour être opérationnelle dans un espace public de l’art conçu, non comme un salon d’amateurs raffinés, mais comme un aréopage de philosophes et de savants.
Des traces de la réception de l’Idée se trouvent dans la littérature artistique jusqu’au début du XIXe siècle. Félibien, plus modéré, connaissait bien le traité, Roger de Piles aussi, même si ses idées sur l’« essence » de la peinture sont à l’opposé de celles de Chambray. Si l’on met de côté La Réforme de la peinture de Jacques Restout (Caen, 1681), qui lui est dédiée, la plupart des lecteurs de Chambray l’approchent avec prudence. Même auprès de Poussin, pourtant modèle du peintre parfait avec les Anciens, Chambray n’a pas pu trouver une approbation franche. Dans sa lettre de remerciement pour l’envoi de l’Idée (1er mars 1665), le « Timanthe moderne » tint à préciser que la plupart des principes du théoricien – décorum, jugement, vraisemblance, costume surtout –, étaient des « parties qui sont du peintre, et ne se peuvent enseigner ». Manifestement, Poussin n’était pas prêt à se laisser déposséder des « parties » qu’il considérait comme les siennes, dépendantes de son génie artistique, pas de celui de la théorie du critique raisonneur.
La fortune de l’ouvrage fut considérable ; une traduction anglaise parut dès 1668, et une traduction italienne en 1809, à Florence, cette dernière tenant toutefois à rassurer ses lecteurs : l’Italie, à laquelle le théoricien français aurait tout emprunté, n’avait nul besoin d’Oltramontani pour penser l’art. Y est jointe une copieuse apologie de Michel-Ange, artiste fort maltraité par Chambray dans l’Idée, comme d’ailleurs par quelques autres Italiens contemporains de la traduction, Milizia et d’Azara qui, précise l’apologiste Onofrio Boni, « croyaient trop à l’empire de la froide philosophie sur les arts du génie ». Les enjeux du traité de Chambray étaient donc encore bien présents dans les esprits autour de 1800 : élaboration d’une théorie indépendante de la peinture en France, fondée sur la raison, susceptible de formuler une critique, irréfutable, des parangons modernes, notamment italiens, en théorie comme en pratique.

Milovan Stanic (Université de Paris Sorbonne, Paris IV) – 2012

Bibliographie critique

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